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The darker the night, the brigter the stars.

1 décembre 2015

XCIII. Alchimie.

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Défi; rédiger un texte sur évoquant un art considéré comme occulte, ésotérique (ici l'alchimie).

La lune telle une méduse dans l'océan sombre du ciel étendait sa lumière qui parvenait jusqu'au visage hâve du Comte. A sa fenêtre, il attendait avec une avidité patiente que la pendule indique les deux heures du matin. Chaque nuit ressemblait à la précédente, la précision mécanique de l'alchimiste le suivait jusque dans ses curieuses habitudes. Quand enfin les aiguilles terminèrent leur course sur les chiffres trois et douze, le Comte se dirigea à pas lent vers la bibliothèque. Là, il actionnait un curieux engrenage dissimulé qui lui ouvrait l'accès à un escalier en colimaçon qui paraissait descendre jusque dans les entrailles de la Terre. Il descendait alors, armé seulement d'une bougie dont la flamme vacillait au fur et à mesure qu'il dévalait les marches. Lorsqu'il arrivait en bas, il ne pouvait s'empêcher d'esquisser un sourire devant la petite porte boisée, ornée de symboles dont il ne connaissait que trop bien la signification. Parfois, il frôlait de ses doigts les marques taillées à la dague avant de finalement ouvrir la petite entrée qui le mènerait vers son royaume secret. Le cabinet de l'alchimiste ressemblait à un cabinet de curiosités; sur les étages, les tables se mélangeaient les creusets, les minéraux, les livres gribouillés de notes, quelques pélicans, des pinces, des tisonniers et bien d'autres instruments plus singuliers encore. Le Comte procédait toujours de la même manière; il lui fallait tout d'abord illuminer la pièce et pour cela, armé de sa bougie, il allumait tous les lustres qui se trouvaient en grande quantité. Puis il s'occupait à raviver la flamme de l'anathor, même s'il n'en avait que peu besoin, cela avait également le mérite de le réchauffer un tant soit peu. Le plus souvent, il reprenait ensuite ses notes, relisant certains passages des grimoires annotés, s'acharnant à comprendre tant les symboles que les doubles sens dissimulés dans les phrases. L'alchimie était un travail fastidieux et le Comte savait que cet art se révélait dangereux pour certains. Pour lui, ce n'était qu'une affaire de curiosité. Dans sa vie de noble, rien ne le fascinait, tout stagnait, tout était plat et il ne parvenait plus à s'en contenter. Grand amateur d'art et de sciences, il trouvait en l'alchimie une passion pure, réelle, détachée de tout besoin. Si beaucoup cherchaient en l'alchimie à transformer le plomb en or, le Comte se contentait d'expérimenter tout ce qu'il trouvait d'intéressant dans ses ouvrages multiples. Bien que ses recherches n'avaient pas de but précis, il adorait tenter, essayer quitte un jour à se faire brûler les ailes. Or il demeurait plus chanceux que la plupart des alchimistes dont il avait entendu parler; à l'inverse des autres, il n'avait pas besoin de quelqu'un pour le superviser ou pour l'aider financièrement. Le Comte était son propre mécène, ne rendant de compte à personne, libre de faire ce qu'il désirait sans aucune conséquence. Au fond de lui, il voulait surtout trouver un sens à sa propre existence. L'ennui le terrifiait, l'anéantissait. Il ne voulait pas finir comme tous ces hommes à la Cour, imbus d'eux-même et profondément détestables. Le seul qui attirait son attention demeurait Saint Germain; les rumeurs sur lui ne cessaient jamais et l'on racontait qu'il était immortel. Le Comte l'avait maintes fois vu à l'oeuvre et ses qualités certaines d'orateur lui attirait la sympathie des êtres crédules. Les rares fois où il avait tenté de lui évoquer le Grand Oeuvre, Saint Germain s'était révélé beaucoup moins loquace. L'alchimiste était persuadé que tout cela n'étaiet que mensonges. Lui, il y parviendrait. Il réussirait là où tous avaient échoués: créer la Pierre Philosophale.

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30 novembre 2015

XCII. Absurde

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Défi; écrire une conversation absurde, n'ayant aucun sens normalement (s'inspirant d'expressions prises au pied de la lettre) mais pourtant tout à fait banale et compréhensible pour les protagonistes.

Victorine observait Atlas tandis qu'Atlas dévorait Victorine des yeux.
Il semble que tu tombes de Charybde en Scylla très cher.
▬ Charybde n'est pas aussi joueuse que la belle rousse, à mon plus grand regret.
Elles se jouent surtout de toi si tu veux mon avis. Tu les connais pourtant, elles aiment se battre pour un morceau de viande juteux.
▬ Et toi alors ?
Moi quoi ?
▬ A peine sortie de la cuisse de Jupiter que tu t'en enfiles un autre.
Jupiter ? Oh je t'en prie, pas lui.
▬ Luit la lumière coruscante du soleil.
Jupiter vaut mieux que Charybde et Scylla réunies.
▬ J'ai été pris dans l'ouragan du désir.
Pourtant il fait beau, il n'y a presque pas de vent.
▬ Contrairement à celui que tu m'as mis il y a de cela des années.
Ne m'en blâme pas, enfin, nous étions si jeunes, si innocents.
▬ Cent éléphants sont passés dans le firmament étoilé hier. C'était beau à voir, cette parade nocturne.
Que va-tu faire ?
▬ S'ils repassent, je les observerais via le télescope en espérant pouvoir les prendre en photo.
Où les mettrais-tu ? Cent éléphants prendraient bien trop de place dans ton appartement. Même Scylla est moins grosse que tous ces pachydermes.
▬ Séduire Scylla a été un vrai œuf de Colomb.
En effet, des poules prendraient beaucoup de moins place que des éléphants tu as raison. D'ailleurs, cela aussi beaucoup plus utile quand on y songe. Les éléphants ne produisent pas grand chose si ? A part de la saleté, j'entends.
▬ L'être humain est fascinant, certains peuvent entendre les couleurs, toi tu entends des choses aussi impalpables que la saleté. Te susurre-t-elle à l'oreille lorsque tu tentes de rejoindre Morphée ?
Après Jupiter, tu t'attaques désormais à lui ? Quel lâche fais-tu !
▬ J'ai Charybde et Scylla, tu as Jupiter et Morphée. Je suis prêt à parier que nos histoires finiront toutes mal, elles finissent toujours mal. C'est pour cela que nous nous retrouvons sans cesse dans ce petit café; nous narrer nos déboires amoureux éternels et terribles.
Cesse de jouer les Cassandre Atlas.
▬ J'aime pourtant lui voler ses vêtements, danser dans ses robes, me maquiller de la même manière qu'elle. C'est étrange de ressembler à une femme lorsqu'on n'en possède absolument aucun attribut.
Tu vas me faire pleurer. Tu es bien plus heureux en homme, tu peux ainsi te sacrifier à Vénus sans que personne ne te dise quoi que ce soit. En étant une femme, c'est bien plus compliqué.
▬ Oh que j'aime me sacrifier à Vénus, si tu savais. D'ailleurs le miel de sa peau me manque terriblement.
Sa maladie n'est toujours pas guérie ? De toute façon, ce n'est pas comme si c'était très grave. Elle suintait du miel et alors ? Tout le monde s'est révélé jalouse de sa peau de lait.
▬ Entre le lait et le miel, cela créait un curieux mélange crois-moi. Elle a bien fait d'être hospitalisée. Et quand elle va sortir, crois-moi que je serais tenté par Venise, Vénus était quand même légèrement dérangée.
Venise est ta prochaine conquête ? Tu as bien du courage. De ce que j'ai entendu dire, elle est au moins aussi perturbée que la Vénus. En plus, il paraît qu'elle a de sacrés fétichismes.
▬ Sinon, tu travailles toujours pour le Roi de Prusse ?
A mon grand regret, oui. Il me prend pour sa servante et il ne cesse de s'attacher à moi.
▬ Et tu parlais des fétichismes de Venise ? Ton bon Roi n'as pas vraiment l'air mieux s'il en vient à t'attacher à lui.
Il a peur que je puisse m'enfuir. Où, je ne sais pas. Il est fier comme Artaban de m'avoir, si tu le voyais.
▬ Comment va-t-il d'ailleurs ?
Six pieds sous terre.
▬ Aussi loin, personne n'ira le chercher. On est sûrs que sa bêtise ne perdura pas au moins, c'est déjà ça de gagner. Au fait, je vais à Tataouine le mois prochain.
Cela ne pourra que te faire du bien. Il fera sûrement un peu chaud pour la saison mais ça te remettra les idées en place.
▬ Mes idées sont déjà assez compartimentées comme ça. Ma tête n'est pas un labyrinthe comme toi. Tout à droite, les idées phobiques, en descendant, les idées malsaines, encore après ...
J'ai compris Atlas. Ce n'est pas tout ça mais je dois y aller.
▬ Tu embrasses Fanny pour moi ?
Va te faire voir chez les Grecs.
▬ Il n'en a pas à Tataouine mais je t'enverrais une carte quand même.

29 novembre 2015

XCI. (Re)Découverte.

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Défi; faire l'expérience d'une découverte, que ce soit celle d'un individu, d'un objet ou de quoi que ce soit. Exprimer le ressenti du/des personnage(s) face à celle-ci. (Écho au texte LXXX).

Sleipnir se réveilla avec l'impression que sa tête allait exploser. Il se frotta l'arrière du crâne, décoiffant ainsi sa chevelure léonine. Le jeune homme n'avait aucune idée d'où il était: il se ne rappelait même plus ce qui s'était passé. Ce ne fut qu'après quelques longues minutes qu'il se remémora le fil des évènements. Le voyage. Les turbulences dans le trou de ver. L'explosion du Terenui. Qu'était-il advenu des autres explorateurs ? Étaient-ils seulement en vie ? Où se trouvait-il ? L'hacker observa son environnement, passablement inquiet. En réalité, il ne savait même pas si le vaisseau les avaient menés à la bonne période, au bon endroit. Tout demeurait flou. Se décidant à se lever, il préférait rester sur ses gardes, prêt à se dissimuler à chaque instant. Le moindre geste, la moindre parole pourrait altérer son futur, leur futur. L'effet papillon n'était pas à prendre à la légère, on les avaient suffisamment prévenus sur Heiata; il fallait être aussi invisible qu'une ombre. Ce fut au moment où il se releva que Sleipnir constata qu'il avait atterri sur ce qui semblait être une parcelle de terrain. De sublimes fleurs poussaient le plus naturellement du monde, entourées d'une herbe aussi verte que les dessins qu'il avait eut l'occasion d'observer étant enfant. Sur Heiata, il n'y avait plus rien qui puisse fleurir, s'exprimer, grandir naturellement. Tout, ou presque, s'était électronisé, modernisé si bien que le jeune homme s'émerveillait sur les quelques roses dont la couleur lui paraissait presque irréelle tant elle se révélait superbe. Il respira un grand coup; même l'air lui apparaissait comme inconnu. Il devait très certainement se trouver dans un petit village, éloigné un tant soit peu de la civilisation pour pouvoir inhaler de l'oxygène aussi pur. Bien qu'il avait compulsé des centaines de livres, d'encyclopédies, bien qu'il avait consulté des centaines de sites, d'informations, tout semblait si étrange. Il découvrait sa planète sous un nouvel aspect. Désormais, il n'était plus caché derrière un écran ou des pages, il était là, vraiment là. C'était une sensation étrange d'apprendre à connaître quelque chose que l'on s'était figuré pendant longtemps. Il s'était arrêté l'espace de quelques instants pour simplement profiter de ce moment d'accalmie, ignorant l'appel de la raison. Le ciel, les nuages, les arbres, l'herbe, la douceur du vent. Il s'immerga dans ces sensations nouvelles, reprenant peu à peu conscience de la gravité de la situation. Sleipnir fut attentif à ne pas écraser les fleurs, se rapprochant de la maison qu'il voyait non loin. Il resta prudent mais après quelques minutes, il arriva à la conclusion que personne ne s'y trouvait; il poussa la petite porte verte et s'arrêta sur le seuil. Le bâtiment dépassait les frontières de son imagination et jamais il n'aurait cru qu'une construction pareille puisse exister vraiment. Certes, le jeune homme était particulièrement instruit et avait déjà vu des structures incroyables comme Notre-Dame de Paris, la grande muraille de Chine, le Christ rédempteur. Or, aucune de celles-ci n'avaient prit vie sous ses yeux. La maisonnée était, en réalité, tout ce qu'il y avait de plus banal à l'exception près qu'elle ne possédait aucun signe d'une existence quelconque; elle se trouvait divisée en deux parties distinctes, le côté gauche était empli d'horloges, de pendules tandis que l'autre demeurait assiégé par les plantes. En levant la tête, Sleipnir s'aperçut de l'existence d'une troisième partie; le plafond, lui, croulait sous les lustres et autres lampadaires. L'immense pièce demeurait irradiée de lumière via de grandes fenêtres se trouvant tant sur le mur qu'au-dessus de lui. Il dévala les quelques marches et fit craquer le parquet sous ses pieds; ce léger bruit le surprit puis le fit sourire. L'hacker ne pouvait pas deviner si le lieu était en effet inhabité, tout paraissait l'indiquer, tout excepté ces plantes. Rayonnantes, les feuilles et les quelques fleurs étaient gorgées de vie. S'allongeant à même le sol, Sleipnir prit le temps de songer quelques minutes. Le lieu apaisant lui permettait de mettre ses pensées en ordre, le tic-tac des innombrables horloges le calmant d'une manière inattendue. Ce bruit qui ne cessait à aucun moment avait quelque chose qui lui permettait de se concentrer. Il ne put s'empêcher de soupirer. Certes, il était plus qu'heureux d'être ici, entouré d'une vie qu'il avait imaginée pendant des années. Tout semblait à la fois si différent et si semblable. Il commença à se demander, malgré lui, ce que son père en aurait pensé. Puis il se remémora qu'il n'était pas venu seul. Le problème étant qu'il ne savait pas par où commencer, où se rendre, où étaient ses collègues. Cette situation, pourtant déjà envisagée par des ingénieurs, lui paraissait inimaginable, comme une construction de son esprit. Sleipnir se pinça le bras, cherchant par là même à savoir s'il était réellement éveillé. Il l'était. Après une longue réflexion, il s'aperçut que le soleil déclinait; il n'avait pas le choix, il allait passer la nuit ici. Le jeune homme verrouilla la porte, posant devant une chaise et quelques objets assez lourds pour empêcher l'ouverture du passage. Il décida de se rallonger juste en-dessous de l'immense fenêtre qui se trouvait au plafond. Bientôt, il put apercevoir la lune et les étoiles, oubliant par là quelque peu son malheur. Il se sentait bien ici, même si cette époque n'était pas la sienne. Il devrait retourner à ses responsabilités, à son travail, à sa mission et ce moment sous le firmament étoilé l'apaisait jusqu'à ce qu'il tombe dans le royaume des songes.

28 novembre 2015

XC. Rencontre.

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Défi; Imaginer la rencontre entre un(e) écrivain et un de ses personnages créé de toute pièce.

Elle venait à ce petit café du coin presque tous les jours, habitude de laquelle elle ne parvenait plus à se défaire. Ludwig l'accueillait sans cesse avec la même aménité et elle recevait toujours la même table, celle du coin, où elle pouvait écrire sans que l'on vienne la déranger. Rares étaient les fois où elle prêtait la moindre attention à ses tiers, se concentrant sur ses personnages de papier. Et puis, elle le vit. Sur une table non loin de la sienne. Son faciès était la parfaite incarnation de Yorick. Cheveux châtains mi-longs, coiffés d'une manière la plus simple possible, de grands yeux marrons joueurs. Carrure mince, assez osseux, aspect mystérieux, sourire joueur. De sa chaise, elle observait cet homme avec une certaine mélancolie. Sentant certainement un regard sur lui, il se détourna vers la jeune femme, l'analysa un léger moment et vint à sa rencontre. Le connaissait-elle ?

Bonjour Anya.

Elle fronça les sourcils, intriguée. Il dût le constater pourtant, il ne sembla guère gêné et s'assit en face d'elle, sans même lui demander son avis. Son caractère aussi lui était curieusement semblable.

Nous connaissons-nous ?

Tu devrais pourtant me reconnaître. Je suis Yorick.

Yorick ? C'est impossible.

L'homme en face émit un sourire malicieux, ses prunelles se teintant d'une lueur amusée. Comment était-ce seulement possible ? Yorick n'existait encore que dans son imagination. Il était le fruit d'une création de son esprit, pourtant, sa copie conforme se tenait là, devant ses yeux ébahis. Sa curiosité l'emportait peu à peu sur sa prudence; elle voulait en savoir plus, s'assurer que ce n'était pas une farce de Ludwig ou de l'un de ses amis. Peu étaient au courant de son projet.

Tu veux une preuve ?

Tu peux m'en donner une ?

Il retira les gants immaculés et luit tendit la paume de sa main gauche. Elle y vit, dessiné, un scarabée noir et or plus vrai que nature. Elle ne put s'empêcher de toucher du doigt le tatouage superbe, délicat et si particulier à son personnage. Il eut l'air satisfait de son effet et la jeune écrivain ne cessait de revenir à cette esquisse qui ornait sa peau légèrement hâlée. Yorick semblait légèrement plus vieux que la version qu'elle avait imaginé, toutefois il paraissait tout aussi intelligent et moqueur.

Tu me crois maintenant ?

Comment est-ce possible ?

Tu vis dans un monde imaginaire. Tu ne cesses d'écrire à propos de pays inexistants, de monstres légendaires, de personnages tordus et d'histoires improbables. Pourquoi est-ce que cette rencontre ne pourrait guère être réelle ?

Justement parce qu'ici, c'est la réalité.

Qu'est-ce que la réalité pour quelqu'un comme toi ?

Elle fit semblant de réfléchir, néanmoins elle connaissait déjà la réponse à cette question. Rien. La réalité ne représentait rien à ses yeux sinon un monde dévasté, empli de haine, de déchirements, de cris parfois égayée par une accalmie de rires, d'amitié et de repos. Elle n'avait jamais su se contenter de la réalité, le fait était là. Longtemps, elle avait tenté de ne plus écrire, d'arrêter de stimuler son imagination, de ne plus poser de mots sur ses sentiments. Elle n'avait pas tenu. Elle avait besoin de créer, toujours davantage. Yorick était le fruit d'un projet de roman qu'elle comptait mettre à terme, un jour. C'était d'ailleurs le personnage duquel elle se rapprochait sûrement le plus. Il possédait en lui une étincelle de malice et d'imagination qui ne connaissait aucune limite. Elle avait aimé lui faire prendre vie sous ses lignes, sous ses mots. Et il se dressait ainsi devant elle, patientant pour espérer entrevoir une éventuelle réaction mais surtout une réponse.

La réalité n'existe pas.

N'est-ce pas ?

Depuis quand es-tu ... En vie ?

Je ne me rappelle pas vraiment. Quand je me suis aperçu que je respirais, que mon corps se mouvait, que le vent caressait ma peau, j'étais au milieu d'une rue. Je t'y ai vue et je t'ai suivi jusqu'ici.

Comment savais-tu que...

Que tu étais ma créatrice ?

Il émit un léger rire cristallin tel que son auteur l'avait imaginé dans ses rêveries. Elle croisa son regard avec un bonheur sans nom, emplie de fierté à l'idée que c'était elle qui l'avait sculpté, Galatée des temps modernes.

Je l'ai su. Comme si un lien invisible nous unissait, ma conscience a tout de suite compris que tu étais la raison pour laquelle j'étais là. D'ailleurs, si je pouvais en profiter pour émettre quelques plaintes à mon sujet.

De quel genre ?

Le fait d'être un voleur.

Sûrement pas, ça fait partie de ton caractère.

Tout le monde me déteste !

Oui mais les lecteurs t'adoreront, moi en tout cas, c'est le cas.

Je suis ton personnage préféré ?

Oui.

Tu crois que c'est pour cela que j'ai réussi à prendre vie ?

C'est une possibilité.

Il lui sourit et elle fit de même. Toute la journée durant, ils parlèrent, Yorick racontant des tas d'anecdotes qu'Anya ne put s'empêcher de griffonner avant d'oublier. La romancière ne voyait même plus l'heure passer, trop occupée à alimenter toujours davantage de lignes quant à son personnage. Elle avait l'impression d'être comme le Docteur Frankenstein à la différence que Yorick n'était pas un monstre instable. Il n'avait pas été créé par la science mais par son imaginaire. A 18h30, les clients amassés devant la jeune femme finirent par appeler l'asile; ils confièrent qu'elle avait parlé seule tout l'après-midi.

27 novembre 2015

LXXXIX. Guerre.

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Défi; écrire sur le thème de la guerre, les raisons de son commencement et évoquer la mémoire d'un combattant.

Ainsi périrais-je ? Aux portes d'une gloire. Aux portes d'une défaite. Qui sait ? Le sang coule à flots, tant sur moi qu'autour. Il n'y a plus que cette couleur meurtrière qui m'encercle. Elle jure tant avec ce ciel infiniment calme, sans nuage, d'une beauté opalescente. La noblesse de ce firmament m'oppresse presque le coeur. Pourtant, je suis ravie de pouvoir l'observer une toute dernière fois. Je ne regarde même plus ce qui se passe aux alentours de mon corps exsangue. Je n'en ai plus la force. J'entends des cris. De la rage. De la haine. De la volonté. Tout ça pour quoi ? Pour un Dieu, pour des Dieux, pour une croyance. Pour satisfaire un ego. Pour montrer aux rivaux que l'on est meilleur. Mourir de la fierté. Quelle idiotie. Je ne sais même plus quand tout cela a débuté. Des années, peut-être des siècles auparavant. Il suffit d'un rien pour que l'étincelle d'une bataille ne s'embrase. Nos dirigeants ne cherchent même plus à annihiler ces hostilités superflues. Au contraire, ils les provoquent, gangrenant l'esprit de quelques hommes assez stupides pour penser que nos valeurs ont besoin d'être défendues. Nous sommes envoyés comme de la chair à canon, comme des moins que rien tandis qu'ils se pavanent dans leurs châteaux flamboyants. Ils n'ont jamais connu les atrocités de la guerre et jamais ils ne les connaîtront. Ils sont faibles, si faibles de penser que ce sont des forteresses qui arrêteront des idéologies. Rien ne le peut. La religion devrait unifier, or elle ne fait plus que diviser. Chacun veut avoir raison, chacun veut écraser l'autre de sa foi. Quand est-ce devenu ainsi ? Quand nos Dieux ont décidé que nous devions nous battre pour prouver nos supériorités ? Pauvre humanité. Ainsi périrais-je ? Pour un pays qui n'a eut que faire de moi pendant toutes ces années. J'essaye d'annihiler tous les mauvais moments, toute cette haine s'instillant en moi. Ne me rappeler plus que de la neige. Des discussions autour d'un feu. Des banquets où tout le monde dansait, chantait, buvait. La joie d'un peuple qui n'avait plus que ça. Je me meurs au combat, je me meurs en tant que guerrière. Je ne sais pas ce qui m'attends. J'ai cru en des Dieux qui vénéraient les preux chevaliers, les Hommes mort dans le nerf de la guerre. Dois-je encore y croire ? Puis-je encore affirmer que la foi scintille en moi de la même lumière qu'autrefois ? Si ces Dieux existaient, n'auraient-ils pas pu faire mieux que cela ? N'auraient-ils pas pu empêcher ces querelles imbéciles, ces combats immondes ? Je vois flou et je ne sais pas ce qui m'attends. Les cris ne s'arrêtent pas, sûrement ne s'arrêteront-ils jamais. Les périodes d'accalmie sont rares, trop peu salvatrices pour les esprits traumatisés de ces massacres. Un jour peut-être comprendra-t-on que la guerre ne résout rien, qu'elle n'engendre que malheur, désespoir et chaos. Je ne désespère pas que l'espèce humaine puisse trouver un jour la paix qui réside en elle. Elle a sûrement simplement besoin de temps. Le firmament est la dernière chose que je vois. Beau paysage pour un champ de ruines. Beau paysage comme dernier souvenir.

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26 novembre 2015

LXXXVIII. Absence.

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Défi; écrire sur le thème de l'absence. (Continuité du texte LXXI)

Lettre 26; De la Comtesse de Ronseray au Marquis de Damas.

Cher Marquis,

Vous savez qu'il est d'usage que j'use de pudeur et de politesse, il m'est impossible de ne pas en user malgré toute l'affection que je peux vous porter. Je me dois d'être honnête; je suis effrayée. Effrayée par vous et votre ardeur en toute chose. Effrayée par vous et votre charme. Effrayée davantage encore par moi-même et ces sentiments qui grandissent. Effrayée par le Duc de Carnay. Non pas que ce soit un homme dangereux, simplement, je désire plus que tout ne point lui faire de mal. Il a toujours éprouvé de la tendresse pour moi et je ne puis décemment pas le maltraiter au point d'afficher notre relation au grand jour. Même si en réalité, je commence à penser qu'il a déjà tout remarqué. A chaque bal, vous m'invitez à danser avec la même candeur. Et j'accepte, ne pouvant décliner une telle offre. Combien de fois avons-nous danser désormais ? Combien de fois ai-je déjà frissonnée dans vos bras ? Combien de fois ai-je senti votre souffle contre ma peau ? Combien de fais ai-je apprécié ces valses ? Je ne parviens plus, je le crains, à supporter de telles émotions. Tout comme je ne parviens plus à supporter le fait que vous en êtes la cause. Je sais qu'en lisant ces lignes, vous souriez. Pourquoi suis-je en train d'écrire cette missive ? S'il s'agissait d'un jour comme tout autre, je vous aurais laissé sur ce questionnement, en espérant ainsi une réponse prompte et aimante. Pourtant, je vais moi-même vous en donner la cause, ne vous laissant ainsi pas la satisfaction de la deviner sous mon écriture. Votre absence me touche. Plus que tout, ne pas vous voir me plonge dans un profond désarroi, pour ne pas dire mélancolie. Voilà de nombreux jours désormais que vous êtes parti chez votre ami pour une raison que j'ignore. Et je ne peux m'empêcher de me demander ce qui se trame pour que vous partiez ainsi, sans même oser me donner de nouvelles. Mon coeur se languit de vos lettres, de vos mots. Et mon corps se languit de vos mains tendres, de votre léger parfum. C'est ce même manque qui me fait avoir l'audace de vous écrire ainsi, employant des termes dont je n'oserais faire usage en public. Croyez-moi que j'aimerais tout autant que cette missive ne vous trouve pas et s'égare je ne sais où pour ne pas avoir à supporter votre regard la prochaine fois que nous nous verrons. Le Duc de Carnay m'a invitée à un nouveau bal demain et je ne sais que faire. Je n'ai point envie d'y aller, sachant que vous ne serez guère présent. Pourtant, j'ai grande crainte de ne pas accepter et que le Duc soupçonne ainsi que je vienne pas, faute de votre présence. Je devrais lui avouer qu'il ne trouvera jamais grâce à mes yeux. Auparavant, peut-être eut-il été possible que je me contente d'un mariage de raison avec un homme certes fort charmant mais pour lequel je n'éprouve rien. Dorénavant, je sais que je ne pourrais jamais plus raisonner de la sorte et bien entendu, je vous accuse de ce tort. Maintenant que j'ai connu tous les travers de l'amour, celui-ci est comme une drogue dont je ne puis guère me défaire, tout comme il l'est de votre présence. Les jours semblent si longs sans avoir de nouvelles, sans voir votre visage. Oserais-je vous avouer que j'ai croqué un portrait de vous dans l'éternelle attente de votre venue ? Je n'ai cessé de reprendre cette maigre esquisse qui me fend davantage le coeur que je ne pourrais le penser. Quand serez-vous de retour ? Cela fait déjà une semaine que j'attends. Chaque fois que vous me laissez, je ne fais que vivre pour le moment prochain où je pourrais vous revoir de nouveau. Je ne vis désormais que pour cette attente désespérée. N'avez-vous pas honte de me faire ainsi languir ? Feriez-vous exprès de me laisser sans missive, pour en apercevoir ma réaction ? Si tel est le cas, je ne vous en félicite pas. Toutefois, je n'en serais pas tant étonnée. Vous pouvez vous révélez aussi fourbe que tendre, peut-être sont-ce ces contradictions terribles de votre caractère qui m'ont toutes attirée ? Je ne sais pas. Je ne sais plus. Simplement que vous manquez terriblement à ma vue. Si vous ne revenez point maintenant, je vous en conjure, écrivez-moi au moins. Voyez comme le coeur de votre douce amie se révèle désespéré entre votre si longue absence.

Avec toute mon affection.

Du Château ..., Décembre 17**

24 novembre 2015

LXXXVII. Journey.

Sans titre 3

Défi; le personnage se rend dans le désert, évoquer son périple et les raisons qui l'y ont conduit.

Les rayons perçants du soleil ainsi que la chaleur réveillèrent lentement Misraïm. Protégé par de nombreuses couvertures, d'inombrables perles de sueur dévalaient déjà sur son visage halé. La nuit avait été douloureuse or le jour était bien pire encore en plein désert. Il n'avait aucune idée de l'heure qu'il était, il ne voulait pas la deviner, encore moins la savoir. S'étirant promptement, il rangea ses affaires, avala une gorgée d'eau pour la route et se mit en marche, armé d'un courage qu'il n'aurait jamais soupçonné. Autour de lui, le silence régnait en maître. Pas un bruit, pas un son. Seulement celui de ses pas sur le sable fin et doré. Cela ne faisait que quelques jours qu'il avait élu domicile ici. Il ne savait guère encore combien de temps il allait rester. Peut-être allait-il mourir ici. Peut-être allait-il rencontrer des natifs. Peut-être allait-il ensuite rentrer chez lui, à jamais changé. La quiétude du Sahara l'apaisait considérablement. Ces dunes forgées par l'unique travail des vents suffisaient à le faire esquisser un sourire. La chaleur était étouffante. Il n'avait fait que quelques pas, pourtant, la température l'emportait déjà sur le corps fatigué par ces brusques changements de température. Le jour était aussi ardent que la nuit se révélait glaciale. Misraïm aimait ce contraste de la nature, cette aberration naturelle que l'on ne pouvait retrouver nulle part ailleurs. Il tentait de mettre de l'ordre dans ses pensées éparses; après tout, il était venu pour cela. Penser. Se calmer. S'éloigner de la ville polluée, de ses gens nocifs, de ses idées noires. Si le monde était ainsi maintenant, alors il préférait s'en éloigner, alors il préférait vivre des années dans le désert. Ici, tout n'était que pureté, douceur, sérénité. Il n'y avait ni guerre, ni lois. Il n'y avait que soi-même et la nature qui reprenait ses droits. Certes, ce devait être une vie longue, douloureuse mais il n'en doutait pas, bien meilleure que tout ce qui se tramait dans ces villes gigantesques dont les tours défiaient les cieux. Misraïm ne comprenait plus ce monde envahi par les médias, par la haine, par l'ignorance. Il n'arrivait plus non plus à appréhender les gens autour de lui; parfois, il n'avait pu s'empêcher de se demander si toutes ces personnes n'étaient pas des robots, s'il n'était pas le fruit d'un gigantesque test de Turing dans une simulation. Il sourit à cette pensée. Il était là, en plein désert, avec pour seule compagnie le sable qui s'étendait à l'infini et son cerveau ne pouvait penser qu'à ce qui le reliait à ce monde; la technologie. Misraïm n'était pas vieux jeu, cependant, il ne pouvait s'empêcher de se dire que les jeunes, désormais, n'arrivaient même plus à profiter des plaisirs simples de la vie. Se poser dans un fauteuil douillet avec un livre. Prendre un carnet et gribouiller. Aller dans un musée et simplement regarder les oeuvres, sans s'arrêter l'espace de deux secondes, l'espace de prendre une photo. Les gens ne voyaient plus qu'à travers leurs écrans. Cela le dépitait mais il ne pouvait rien y faire. Après tout, le monde avançait, l'humain innovait. On ne pouvait décemment en rester au même stade. D'ailleurs, lui aussi avançait, dans son désert, à son rythme. Le vent lui renvoyait des grains de poussière sur sa peau desséchée; la caresse était tout aussi chaude que le soleil et ne l'apaisa guère. Il observait cette étendue devant lui, pour de vrai, comme il se l'était figuré. Quoique plus beau encore. Perdu au beau milieu de ces vagues de sable, il se sentait bien, il se sentait en vie. En fermant les yeux, il parvenait même à sentir les grains de sable se tasser sous son poids. En s'arrêtant pour écouter, le son du zéphyr qui charriait le sable était perceptible. En rouvrant es paupières, il voyait ces montagnes sublimes qui l'attendaient, patientes, superbes. A n'en pas douter, c'était dans ces lieux vides de tout que l'humain pouvait penser à tout ce qu'il désirait, à tout ce qui le tourmentait dans des lieux emplis de tout.

23 novembre 2015

LXXXVI. Métamorphose.

Sans titre 1

Défi; narrer le récit d'une métamorphose (ses débuts, son parcours, pourquoi elle se produit), qu'elle soit physique ou mentale.

01.

« Aucune chose, aucun moi, aucune forme, aucun motif n'est assuré ; tout est emporté dans une métamorphose invisible, mais jamais en repos. »

02.

La voiture émit un léger son puis s'arrêta au bout de quelques mètres. Son occupante ne broncha pas ni n'esquissa aucune émotion, sortant simplement de la voiture pour ouvrir le capot. Ce ne fut que quelques secondes après qu'elle aperçut un homme ou plutôt, au vu de sa monture, un cavalier. Un courant électrique traversa le corps de Danae alors que ses iris azurées croisèrent les yeux d'un noir si profond qu'elle crut s'y perdre. Il y eut un long moment de silence tandis que la jeune femme blonde et l'inconnu s'observèrent, le monde semblant s'être arrêté autour d'eux, même le vent avait soudainement cessé de souffler. Ce fut lui qui interrompit ce moment privilégié en tendant sa main à Danae qui comprit qu'il lui offrait son aide, sans qu'il n'ait besoin d'exprimer quoi que ce soit. Elle s'agrippa aux hanches de l'inconnu, se serrant contre lui par réflexe. Elle laissa là la vieille voiture qui ne redémarrerait sûrement jamais. La jeune femme demeurait davantage intriguée par celui qui offrait son aide que par ce qui adviendrait de cette carcasse métallique.

Qui êtes-vous ?

Sa curiosité ne pouvait décemment en supporter davantage. Après tout, il l'emmenait au loin. Certes il ne semblait pas dangereux quoique sa beauté surnaturelle le rendait sûrement intimidant. Il n'en sembla guère perturbé et tourna la tête pour l'observer. Son profil était parfait, tel qu'on l'aurait imaginé sculpté sur une pièce de monnaie. Elle le vit esquisser un sourire, ses yeux emplis d'obscurité semblèrent s'animer d'une lumière étrange le temps d'un instant. Danae nota qu'il paraissait hésitant. Elle lui lança un regard courroucé, annonçant par la même qu'elle n'accepterait pas un avilissant mensonge; elle désirait la vérité, aussi effrayante puisse-t-elle être.

Je suis le Roi Baldrik.

Un ... Roi ? Ici ... En Californie ?

Vous allez vite comprendre.

Cela ne fit que renforcer l'intrigue de la jeune femme; il ne mentait pas. Il était amusé, lui souriant d'une manière un peu trop séductrice et son beau regard l'envoûtait mais il ne mentait pas. Danae avait lu suffisamment de romans et vu suffisamment de films pour savoir que le monde n'était pas tel qu'on le dépeignait. Or, elle n'en demanda pas davantage, s'agrippant à lui pour le reste du voyage, s'occupant à l'observer sous toutes les coutures. Les traits fins étaient presque androgynes, la barbe, elle, parfaitement taillée était à l'inverse des cheveux tout aussi noirs certes mais débroussaillés et mi-longs. Tout le charisme de cet homme résidait en ces contradictions élégantes; la pâleur de sa peau se renforçait par les touches obscures qui parsemaient tant son visage que sa parure. Quelques cicatrices déformaient élégamment ses traits, notamment celle qui soulignait sa bouche ourlée. Sous ses doigts agiles, Danae sentait des muscles saillants et sûrement parfaitement sculptés. Sans même s'en rendre compte, ils étaient désormais devant une gigantesque montagne dont la jeune femme semblait totalement ignorer l'existence. Baldrik s'engouffra dans une brèche à peine plus épaisse que le cheval à la robe blanche somptueuse. A peine entrèrent-ils que Danae comprit de quoi l'inconnu s'était prétendu Roi: de ce royaume fabuleux qui s'étalait devant ses yeux.

03.

Les yeux grands ouverts de Danae observait chaque recoin de la curieuse cité creusée à l'intérieur de la grotte. La plupart des constructions étaient faites de pierre, pourtant, leur construction paraissait inhumaine tant elle apparaissait irréprochable et superbe. Les gens qu'elle croisa la saluèrent en même temps que le Roi qui la tenait par la hanche depuis qu'ils avaient posés le pied à terre. Ce contact chaud la rassérénait; la poigne sur elle se voulait puissante sans aucun désir de possession. Le royaume semblait quelque peu archaïque et elle en devinait qu'à part quelqu'un pour diriger, les lois se voulaient pour le moins libres. Baldrik l'emmena jusqu'à la plus imposante des constructions: le palais. Danae ne put s'empêcher de s'arrêter devant ce qui ressemblait davantage à une cathédrale des temps anciens qu'à une forteresse. De superbes sculptures ornaient les murs extérieurs et la porte gigantesque était elle-même sertie de pierres précieuses dont la lumière irradiait la grotte de mille et un éclats iridescents. Le Roi la fit rentrer, la laissant observer à sa guise, suspendait tantôt sa marche hâtive pour la voir s'émerveiller de ce qui était son sinistre quotidien. Après tant d'émotions, il lui montra ses quartiers où elle put se reposer. Sa chambre était à l'image du royaume entier: d'une beauté suréelle. S'allongeant dans le lit douillet, elle eut quelques minutes de repis durant lesquelles elle tenta de trouver une explication à ce qui se tramait dans cet étrange lieu. Jamais elle n'aurait cru que ses littératures fantastiques pouvaient révéler un fragment de vérité. A peine eut-elle le temps d'y penser qu'on frappa à sa porte. Apparu alors Baldrik, une fascinante boîte à bijoux dans ses mains; il s'assit à côté d'elle et lui prit la main. Danae frissonna au contact de sa main frigorifiée avec celle étrangement chaleureuse du Roi.

Je voulais vous offrir ce présent.

Pourquoi donc ?

Pour m'avoir fait confiance. Vous avez l'air différente, vous n'avez pas eu l'air effrayé en me voyant et j'en suis reconnaissant.

Je n'ai aucune raison d'avoir peur...

Il lui offrit un sourire tout aussi ardent que sa poigne et glissa à son index une bague sertie d'une éméraude magnifique. Elle tenta de prononcer quelques mots qui se transformèrent en balbutiements; Baldrik lui fit comprendre qu'il voulait qu'elle la garde. Il embrassa le doigt paré du bijou et lança un regard qui foudroya Danae sur place.

04.

Cela faisait quelques jours désormais que la jeune femme s'était fait une place dans le royaume souterrain. Elle explorait le château avec une curiosité  toujours plus grandissante. Les tableaux, les sculptures, les ouvrages. Tout n'était qu'une nouvelle attache de laquelle elle ne voulait pas se séparer. Le Roi l'accompagnait parfois, alimentant secrètement son désir de rester. Son regard obscur ne cessait de l'hypnotiser chaque fois un peu plus. Pourtant, plus elle demeurait dans la forteresse, plus quelque chose alimentait son imagination; il n'y avait aucun miroir. Pas un seul objet réfléchissant ne se trouvait que ce soit dans l'immense bâtiment ou dans la cité intérieure. Danae repensait à ces mythes de vampire, pourtant son intuition lui soufflait qu'elle se méprenait. Faisant danser la bague autour de son index, celle-ci semblait désormais faire partie intégrante de son corps. Baldrik la rejoignant, il lui visiter une nouvelle aile du château mais la question brûlait les lèvres de la jeune fille. Elle s'arrêta devant une toile dépeignant le Roi et planta son regard océan dans le vide avant de rencontrer les iris ténébreux de l'homme à côté d'elle.

Pourquoi n'y-a-t-il aucun miroir ici ?

Baldrik ne sembla pas étonné de la question. Au contraire, il s'avança de quelques pas, comblant ainsi le vide entre lui et son interlocutrice. Sa main caressa avec aménité la joue de la jeune femme et encore une fois, ce contact réchauffa son coeur et son corps. Il l'observa avec tendresse, approchant son visage d'elle.

Es-tu sûre que tu veux la réponse à cette question ?

Oui.

Alors suis-moi.

Il attrapa ses mains et la guida jusque dans la salle du trône. Ils la traversèrent promptement, sans véritablement s'y arrêter et un couloir s'ouvrit devant eux. Danae commençait à se demander si elle n'avait pas voir quelque chose qu'elle ne souhaitait pas mais en son âme et conscience, elle savait que Baldrik ne la laisserait pas s'échapper. La pression de sa poigne était comme d'habitude à la fois tendre et puissante. Il était trop tard pour reculer désormais. Il la planta devant une porte qui menait à la chambre de Baldrik; elle l'ouvrit sans l'ombre d'un remord. L'intérieur était parfaitement organisé, gigantesque et surtout, une immense psyché trônait d'un côté de la pièce. Or le miroir était recouvert d'un immense drap bordeaux. Le Roi le retira et ce qu'aperçut Danae était au-delà de ce qu'elle aurait pu imaginer.

05.

Si d'extérieur elle était toujours la jolie femme blonde aux yeux bleus envoûtants, à la banalité affligeante, le reflet en était tout autre. Ses longs cheveux s'étaient teints en noir corbeau, ses prunelles brillaient d'un éclat smaragdin et son visage se révélait diaphane. Sur le côté gauche de son corps, on pouvait apercevoir que la peau commençait à disparaître et certains de ses organes, eux, apparaissaient à l'air nu. Elle ne semblait plus véritablement humaine. Danae ne put s'empêcher de toucher la partie qui se désagrégeait en même temps qu'elle la voyait. Elle ne comprenait pas. Elle lança un regard inquiet à Baldrik qui se mit alors devant son reflet à son tour. La jeune femme écarquilla les yeux. Le magnifique Roi se révélait être totalement dépourvu de chair, on apercevait à l'oeil nu la plupart de ses organes, de ses muscles, de ses os. Le peu qui restait était décharné, anéanti. Lorsqu'il bougeait, le squelette se mouvait, répétant avec une précision mécanique le même geste.

Comment est-ce possible ?

Tu t'es métamorphosée. Depuis que tu es entrée, tu es devenue comme nous, comme moi... Une mort-vivante.

Danae ne cilla pas. Elle continuait d'observer son reflet, d'y chercher une faille. Pourtant la version efflanquée d'elle-même la mimait aisément. Or, elle n'en semblait pas plus choquée que cela. S'en doutait-elle auparavant ? L'avait-elle voulue ? Elle ne le savait guère.

Danae. Deviens ma reine.

Baldrik s'était agenouillé et tenait en ses mains une couronne aussi noire que sa chevelure. Elle n'était ornée d'aucun artifices, seulement sa structure paraissait osseuse. Danae ne put s'empêcher de se dire que c'était sûrement ce qu'elle verrait un jour dans le reflet du miroir; il n'y aurait plus rien pour recouvrir ses parties internes, il n'y aurait plus rien pour la rendre belle, elle ne serait plus qu'une carcasse vide. Elle posa également un genou au sol, baissant la tête avant de sentir le poids de la couronne sur son crâne. Danae jeta un dernier coup d'oeil à la psyché qui trônait encore découverte au beau milieu de la salle. La vision d'elle était apocalyptique mais cette transformation la fit sourire.

22 novembre 2015

LXXXV. Conspiration crépusculaire.

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Défi; écrire un récit basé sur de la dark fantasy.

Quand Daegan arriva devant l'énorme porte construite à même la roche, il s'arrêta quelques instants, la clef en main. Il posa son regard éreinté sur les moulures apposées sur la pierre et se dit qu'il aurait aimé rester là, devant cette somptueuse oeuvre d'un art perdu dans le temps, pendant des jours entiers. Cependant, au vu de ce qu'il se tramait, cette idée saugrenue demeurait impossible. Inspirant un grand coup, le jeune homme blond fit lentement tourner le méchanisme qui ouvrit l'entrée. Un courant d'air et une lumière aveuglante l'accueillirent, comme à chaque fois lorsqu'il venait ici. Fermant la porte derrière, il se dirigea à pas de loup vers la salle du Conseil. Il se doutait fortement que tout le monde n'attendait plus que lui; chaque fois il arrivait le dernier, pourtant on ne lui reprochait jamais. A vrai dire, tout le monde était fatigué par les querelles de ce pays, désespéré par ce que leur réservait l'avenir, anéanti à l'idée que des centaines d'innocents doivent subir les conséquences d'un gouvernement tyrannique. C'était là la raison de ces réunions illicites; si l'on venait à apprendre qu'ils continuaient à se regrouper ainsi, ils savaient parfaitement les conséquences que cela impliquerait. Pénétrant dans la pièce, Daegan aperçut une scène qui lui aurait presque redonné espoir. Tous les représentants des comtés d'Aiguenoire s'étaient réunis devant l'immense cheminée qui crachait un feu réconfortant et plus qu'agréable par le froid ambiant qui rôdait. Ils accueillirent le dernier arrivé comme un prince puis se mirent tous autour de la table pour discuter. Daegan se retrouva, comme fort souvent, à côté d'Anthemia, une jeune femme à l'aspect noble qui se révélait être une redoutable guerrière. Évidemment, le point de mire de cette discussion était l'alliance prochaine du Roi Nocteros et celle du Roi Thantredil. Bien que le secret demeurait jalousement gardé, cela faisait désormais quelques temps que la plupart des membres du Conseil se doutaient de ce qui les attendaient. Or certains n'étaient guère réceptifs et semblaient presque suspects. Daegan n'était certes pas de nature méfiant mais les boniments n'avaient pas d'effets sur lui; il était presque persuadé que parmi les leurs se cachait au moins un sycophante. Après seulement quelques minutes, les membres commençaient déjà à se disputer et il ne put s'empêcher d'émettre un soupir exaspéré. Le pays était en ruines et cela ne faisait qu'empirer depuis des années. Il plongea son regard dans le vide, semblant se remémorer tout ce qui se passait dans ce pays depuis des décennies. Depuis que le Roi Nocteros était arrivé au pouvoir, après avoir tué son frère jumeau qui l'aurait empêché de prendre le trône, Aiguenoire n'avait fait que de sombrer dans le chaos et la désolation. Toutes les récoltes, tout le dur labeur des villageois revenaient à la Forteresse et la pauvreté ne faisait que s'accroître. En temps normal, la révolte aurait immédiatement grondée tant personne ne possédait rien. Mais la puissance du sorcier noir qu'était leur Roi accentua la peur des représailles. Ils étaient aux mains d'un bourreau qui n'hésitait pas à les sacrifier pour son propre salut. On se mit à regretter l'ancien Roi, c'était trop tard. Le pire était à venir. Aiguenoire avait toujours été en mauvais termes avec le pays voisin, Rochesombre. Or, depuis quelques années, les deux Rois s'étaient rapprochés, appréciés et cela ne présageait rien de bon. Daegan savait que l'alliance du sorcier noir et du Nécromancien entraînerait la destruction du monde tel qu'ils le connaissait. Or il était las. Las de se battre. Las de voir les représentants se hurler dessus sans raison. Las de voir que personne ne voulait vraiment mener la guerre. Il pouvait les comprendre; la seule issue était la défaite. Jamais ils ne seraient capables de vaincre les deux Rois réunis, tous deux faisant partie d'une race de sorciers rares et extrêmement puissants. Anthemia perçut le trouble de son voisin et lui sourit sans n'obtenir aucune réponse. Elle aussi demeurait silencieuse alors que l'agitation autour d'eux grandissait. La guerrière n'était pas véritablement connue pour sa patience et Daegan se doutait fortement qu'elle allait finir par taper du poing sur la table, ce qui passa dans la minute suivante.

Cessez vos enfantillages ! Nous sommes ici pour montrer que nous sommes unis pour nos comtés, pour notre pays. Pas pour nous quereller.

Le jeune homme à ses côtés soupira de soulagement lorsque le calme revint. Personne ne voulait se frotter à Anthemia, particulièrement lorsqu'elle s'échauffait ainsi. Cependant, elle ne s'arrêta pas là.

Le chevalier blanc veut parler. Écoutez-le, je vous prie.

Daegan l'observa avec curiosité mais se leva à la seconde d'après. Chevalier blanc. Quel stupide patronyme. Pseudonyme d'un âge où le combat ne se faisait qu'à l'occasion de joutes et peu en temps de guerre. En vérité, il n'avait aucune idée de ce qu'il allait évoquer. S'il avait une idée de ce qui se tramait derrière leur dos, mettre des mots sur cela ne ferait que provoquer agitation et terreur. Pourtant, quelque chose en lui l'incitait à enfin révéler ce qui engendrait ces pensées vagabondes qui l'occupaient de plus en plus fréquemment.

Mes frères. Comme vous le savez, le Roi Nocteros et le Roi Thantredil se sont considérablement rapprochés. Je crains que, dans le futur, cette alliance engendre quelque chose de bien pire encore. Récemment, j'ai pu me rendre aux archives d'Aiguenoire.

Les murmures se faufilèrent, les langues se délièrent et chacun y alla de son commentaire. Tous se demandaient comment le chevalier blanc avait pu ainsi pénétrer dans un territoire aussi dangereux. Si personne ne doutait de son  talent, certains exprimèrent clairement leur mécontement face à cette escapade solitaire. Daegan continua comme si de rien n'était, impassible.

Ce que j'y ai vu, croyez-moi, dépasse tout ce que nous pouvons imaginer. Comme vous le savez, il existait bien avant des êtres mythiques nommés les Pentaridescent. Nombreux sont ceux d'entre vous qui connaissent la légendes de ces monstres, pourtant, j'y ai appris quelque chose, quelque chose que nous ignorions tous. Pour les invoquer, il est nécessaire de posséder plusieurs éléments rares toutefois possibles à acquérir mais le plus important est la combinaison des pouvoirs d'un Nécromancien ... Et d'un Noxcreatis.

La salle fut alors emplie d'un silence surnaturel. C'était à peine si l'on distinguait la respiration de quelqu'un. Le regard sombre de Daegan indiquait clairement qu'il ne mentait pas; ce qu'il avait vu aux archives était assuré. Si Nocteros et Thantredil s'étaient alliés, si les deux Rois rivaux avaient ralliés leurs forces, ce n'était que dans le but d'invoquer le plus sombre des fléaux que connaîtrait Aiguenoire.

16 novembre 2015

LXXXIII. Supplices & Souffrances.

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Défi; écrire sur le thème de la souffrance, de la douleur mentale.

05.

Tarpeia fut conduite jusque dans le Congrès. Aucun droit à la parole. Aucun droit à quelque réclamation que ce soit. Aucun droit. Du tout. Plus rien. Désormais, elle devrait expier la Haute Trahison envers sa nation via le plus ignoble des supplices du XXIème siècle. Pourtant, elle demeurait d'un calme olympien, son visage de statue grecque ne dévoilait ni doute ni frayeur. Les six militaires qui l'accompagnait étaient lourdement armés; au moindre geste suspect, ils la tueraient sans état d'âme. L'espace d'un instant, elle songea à la mort comme une trêve méritée, une fin agréable. Or elle savait que son décès n'apporterait guère le repos auquel elle aspirait désespérément. A la fin du dédale qui semblait éternel, à la fin du chemin que la condamnée avait enregistré dans sa mémoire, elle se retrouva face à une immense porte dorée. Au-dessus de celle-ci, une inscription bleutée électronique courait "Ad infinitum". Elle ne put s'empêcher de trouver cela ironique; reprendre des termes latins dans ce monde où plus rien ne témoignait de son existence, de ses lois, de ses principes. Cependant, cela lui réchauffa presque le coeur. Avoir un tombeau avec des mots si beaux était presque un luxe dans son cas. Les militaires la jetèrent sans ménagement dans la salle qui émit une couleur blanche qui la rendit presque aveugle. Par réflexe, Tarpeia mit ses mains devant ses yeux émeraude, espérant ainsi se protéger d'un éventuel danger. La simulation de sa punition, de son supplice qui serait désormais quotidien, se mettait lentement en place. La lumière sembla peu à peu s'atténuer et elle eut un frisson dans le dos. Elle ne savait pas ce qui l'attendait. Les rares personnes qui avaient vécues cette condamnation y étaient encore. Jamais quiconque n'en était sorti pour la simple raison que le punition était considérée comme sempiternel. Soudain, elle se retrouva tout en haut d'un immeuble qui touchait le ciel. Paniquée, elle tenta tant bien que mal de se convaincre que tout ceci n'était pas réel. Que ce n'était qu'une simulation. Que rien n'était vrai. Et alors, elle sentit un vent trop puissant pour être naturel la pousser en avant. Le vent contre ses cheveux. Le coeur qui s'accélérait. Les vitres, les étages qui défilaient. Les voitures qui passaient. Le sol qui se rapproche, encore. Encore. ENCORE. Il n'est plus qu'à quelque mètres. L'impact est là et Tarpeia a peur, Tarpeia est effrayée, Tarpeia entend le sang taper contre ses tempes. Elle voit la collision. Et elle arrive. Inévitable. Ses mains subirent le poids de tout son corps, de toute la gravité terrestre. Elle sentit ses os se briser dans un bruit monstrueux, inhumain. Elle était encore vivante. Elle ressentait tout, absolument toute la douleur d'une telle chute. Elle saignait violemment, tous ses muscles semblaient atrophiés, déstructurés, irréparables. Elle n'avait pas la force de se relever. Son crâne la faisait souffrir, ses mains couvertes d'hémoglobine, de bitume, de cailloux étaient, elles aussi, profondément abîmées. Tout en elle semblait brisé, anéanti. Pourtant, elle tentait de rester forte. Tarpeia gardait en tête ses idées, elle gardait en tête la Révolution qu'elle avait l'intention de mener. Motivée par une force surnaturelle, elle s'appuya sur ses poignets cassés pour essayer de se relever. Elle chuta. Ressentant l'appel de son corps, la trahison de cette enveloppe limitée. Elle réessaya. Le prochain châtiment sera pire. Les prochaines damnations seront pires. Autant qu'éternelles.

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The darker the night, the brigter the stars.
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