LXXI. Relation épistolaire.
Défi: rédiger une lettre à la manière de Laclos. Quatorze critères doivent toutefois être retrouvés dans cette lettre (un surnom, une odeur, une fleur, un animal, une musique, une arme, une saveur, une sensation, un sentiment exaltant, un élément naturel, un lieu romantique, une partie de l'anatomie, une métier, une citation) dans cet ordre ou non (éléments en gras ou italique pour la citation).
Lettre 05; Du Marquis de Damas à la Comtesse de Ronseray).
Ma douce amie, vous n'êtes point sans connaître la profondeur de mes sentiments à votre égard. Et pourtant, dans votre dernière missive, vous n'avez guère hésité à me confier que vous vous rendiez au Bal du Prince de Gueverny auquel j'obtins alors une invitation sans ne me donner aucun mal. Si je ne comprends point vos intentions, sachez qu'elles sont encrées dans mon coeur tout comme la douce odeur du parfum que vous portiez lors de cet évènement. Oserais-je vous avouer que cette fragrance de rose m'a tourné la tête bien plus qu'il ne l'est permis ? Si je ne puis vous le dire en face, je vous l'écris sans honte, ce que je m'évertue de faire depuis le début de notre correspondance qui m'est si chère. Lorsque je vous ai vu arriver dans votre superbe robe pourpre, j'ai cru voir un cygne dont tel accoutrement ne faisait qu'accentuer la beauté déjà indubitablement remarquable; la grâce de votre présence n'avait d'égale que celle de ce bel oiseau, ne vous manquait plus que les grandiloquentes ailes pour vous démarquez encore davantage. Je me souviens encore de vos habiles pas de danse sur la douce musique de Telemann; un air bien approprié pour vous tant il demeure gracieux, délicat et sublime tout cela à la fois. Vous apercevoir valser ainsi avec le Duc de Carnay, votre promis, m'a certes brisé le coeur. Pourtant, demeurait en moi un bonheur sans nom tant vous dansiez superbement dans ses bras. Telle une épée de cour, vos pas se faisaient légers toutefois aussi précis qu'une lame aiguisée, dévoilant ainsi votre caractère parfois, excusez-moi du terme, passionné. J'aimerais pouvoir garder ce souvenir impérissable pour l'éternité sans que jamais il ne se ternisse, pouvoir conserver ce souvenir à la saveur si sucrée, si douce. Oh oui, j'adorerais faire danser ce souvenir dans ma mémoire éternellement car vous étiez si belle que moi-même en fus-je étonnée. Non pas que vous ne l'êtes pas habituellement: vous vous doutez fortement, à force de vous le conter, que je vous trouve plus désirable que toute autre femme à la Cour voire au monde. Néanmoins, j'ai eu la sensation que vous vous amusiez bien davantage que d'habitude en ce soir de bal, qu'être ainsi, âme au milieu d'une foule de centaines d'autres personnes, vous convenait plus que d'être le centre des attentions. Je suis cependant au regret de vous annoncer que je ne voyais que vous, brillante comme une étoile, scintillante comme le jour. Quand je vous revois dans ces habits somptueux, vous mouvant sur le rythme de la musique, un sentiment quelque peu étrange envahit tout mon être, me donnant toutes sortes de frissons qui ne peuvent décemment être décrits. Croyez bien que c'est la seule morale et la frayeur de vous choquez qui m'empêchent de coucher ainsi sur le papier ce que je ressens au plus profond de moi. Le feu qui se consume dans l'âtre au moment où je rédige cette missive pourrait aisément être comparé à ce que je ressens pour vous, ma douce amie. Votre seule présence m'attire, me réchauffe et me donne envie de me rapprocher toujours plus, au risque, un jour, de me brûler. Qu'importe les tourments ou les blessurees que vous m'infligerez; jamais je ne pourrais m'éloigner de vous. Ne serait-ce que cette pensée me déchire tant l'esprit que le coeur qui ne vivent dorénavant qu'à travers vous. Comme à chaque lettre que je vous rédige, je vais encore une fois posséder l'outrecuidance de vous donner rendez-vous à la Roseraie de mon ami le Chevalier de Mazargan en conservant l'espoir que je n'attendrais point encore en vain. Peu m'importe le fait que vous ne soyez encore jamais venue me rejoindre, je ne cesse de patienter dans l'illusion qu'un jour, j'aurais la chance d'entrevoir votre chevelure rougeoyante. Si je ne suis entièrement pourvu de vertus, je vous prie de croire que vous concernant, j'éprouve toute la persévérance que l'on peut attendre d'un peintre qui, chaque jour, essaye de donner vie à ses oeuvres. Je vous laisse ainsi, ma douce amie, espérant au moins une réponse de votre part.
Et si de l'obtenir je n'emporte le prix,
J'aurai du moins l'honneur de l'avoir entrepris.
Jamais ces termes rédigés par Jean de La Fontaine n'ont autant été révélateurs pour moi car ils ne trouvent la vérité que dans l'attente de votre affection.
Du Palais de ..., Juillet 17**