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The darker the night, the brigter the stars.

21 octobre 2015

LXXI. Relation épistolaire.

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Défi: rédiger une lettre à la manière de Laclos. Quatorze critères doivent toutefois être retrouvés dans cette lettre (un surnom, une odeur, une fleur, un animal, une musique, une arme, une saveur, une sensation, un sentiment exaltant, un élément naturel, un lieu romantique, une partie de l'anatomie, une métier, une citation) dans cet ordre ou non (éléments en gras ou italique pour la citation).

Lettre 05; Du Marquis de Damas à la Comtesse de Ronseray).

Ma douce amie, vous n'êtes point sans connaître la profondeur de mes sentiments à votre égard. Et pourtant, dans votre dernière missive, vous n'avez guère hésité à me confier que vous vous rendiez au Bal du Prince de Gueverny auquel j'obtins alors une invitation sans ne me donner aucun mal. Si je ne comprends point vos intentions, sachez qu'elles sont encrées dans mon coeur tout comme la douce odeur du parfum que vous portiez lors de cet évènement. Oserais-je vous avouer que cette fragrance de rose m'a tourné la tête bien plus qu'il ne l'est permis ? Si je ne puis vous le dire en face, je vous l'écris sans honte, ce que je m'évertue de faire depuis le début de notre correspondance qui m'est si chère. Lorsque je vous ai vu arriver dans votre superbe robe pourpre, j'ai cru voir un cygne dont tel accoutrement ne faisait qu'accentuer la beauté déjà indubitablement remarquable; la grâce de votre présence n'avait d'égale que celle de ce bel oiseau, ne vous manquait plus que les grandiloquentes ailes pour vous démarquez encore davantage. Je me souviens encore de vos habiles pas de danse sur la douce musique de Telemann; un air bien approprié pour vous tant il demeure gracieux, délicat et sublime tout cela à la fois. Vous apercevoir valser ainsi avec le Duc de Carnay, votre promis, m'a certes brisé le coeur. Pourtant, demeurait en moi un bonheur sans nom tant vous dansiez superbement dans ses bras. Telle une épée de cour, vos pas se faisaient légers toutefois aussi précis qu'une lame aiguisée, dévoilant ainsi votre caractère parfois, excusez-moi du terme, passionné. J'aimerais pouvoir garder ce souvenir impérissable pour l'éternité sans que jamais il ne se ternisse, pouvoir conserver ce souvenir à la saveur si sucrée, si douce. Oh oui, j'adorerais faire danser ce souvenir dans ma mémoire éternellement car vous étiez si belle que moi-même en fus-je étonnée. Non pas que vous ne l'êtes pas habituellement: vous vous doutez fortement, à force de vous le conter, que je vous trouve plus désirable que toute autre femme à la Cour voire au monde. Néanmoins, j'ai eu la sensation que vous vous amusiez bien davantage que d'habitude en ce soir de bal, qu'être ainsi, âme au milieu d'une foule de centaines d'autres personnes, vous convenait plus que d'être le centre des attentions. Je suis cependant au regret de vous annoncer que je ne voyais que vous, brillante comme une étoile, scintillante comme le jour. Quand je vous revois dans ces habits somptueux, vous mouvant sur le rythme de la musique, un sentiment quelque peu étrange envahit tout mon être, me donnant toutes sortes de frissons qui ne peuvent décemment être décrits. Croyez bien que c'est la seule morale et la frayeur de vous choquez qui m'empêchent de coucher ainsi sur le papier ce que je ressens au plus profond de moi. Le feu qui se consume dans l'âtre au moment où je rédige cette missive pourrait aisément être comparé à ce que je ressens pour vous, ma douce amie. Votre seule présence m'attire, me réchauffe et me donne envie de me rapprocher toujours plus, au risque, un jour, de me brûler. Qu'importe les tourments ou les blessurees que vous m'infligerez; jamais je ne pourrais m'éloigner de vous. Ne serait-ce que cette pensée me déchire tant l'esprit que le coeur qui ne vivent dorénavant qu'à travers vous. Comme à chaque lettre que je vous rédige, je vais encore une fois posséder l'outrecuidance de vous donner rendez-vous à la Roseraie de mon ami le Chevalier de Mazargan en conservant l'espoir que je n'attendrais point encore en vain. Peu m'importe le fait que vous ne soyez encore jamais venue me rejoindre, je ne cesse de patienter dans l'illusion qu'un jour, j'aurais la chance d'entrevoir votre chevelure rougeoyante. Si je ne suis entièrement pourvu de vertus, je vous prie de croire que vous concernant, j'éprouve toute la persévérance que l'on peut attendre d'un peintre qui, chaque jour, essaye de donner vie à ses oeuvres. Je vous laisse ainsi, ma douce amie, espérant au moins une réponse de votre part.

Et si de l'obtenir je n'emporte le prix,

J'aurai du moins l'honneur de l'avoir entrepris.

Jamais ces termes rédigés par Jean de La Fontaine n'ont autant été révélateurs pour moi car ils ne trouvent la vérité que dans l'attente de votre affection.

Du Palais de ..., Juillet 17**

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20 octobre 2015

LXX. Mélange.

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Règle; mélanger une mythologie, un Dieu au choix avec un genre totalement différent à savoir la science-fiction ou le steampunk.

Mlle Theodosia Wickham, vous êtes appelée à quitter votre poste immédiatement.

Fixant ses lunettes de sécurité sur sa chevelure smaragdine, l'intéressée baissa la tête jusqu'à apercevoir un être minuscule, pas plus grand qu'un insecte. Elle ne put s'empêcher d'émettre un léger soupir en apercevant le directeur de l'Atelier. La jeune femme entama une prompte descente jusqu'à être à la hauteur de l'homme qui, quelques secondes auparavant, lui semblait ridiculeusement petit. Elle ne savait guère pourquoi mais son intuition lui soufflait que cette convocation n'évoquait rien de bon. Orobas Tordel lui intima de retirer ses habits de travail car on l'attendait. Où ? Elle n'en savait rien, ce qui ne faisait que renforcer son inquiétude. Une fois parée de sa tenue habituelle, la mécanicienne se rendit jusqu'à la calèche qui l'attendait devant l'immense bâtiment dans lequel elle s'affairait chaque jour avec ardeur. Theodosia s'engouffra dans le véhicule sans demander son reste, rapidement suivie non pas par son supérieur mais par une personne qu'elle ne connaissait que trop bien.

Egbert ? Mais qu'est-ce que tu fais là ?

Je vous retourne la question belle demoiselle, puisque je n'en ai pas la moindre idée. 

Au moins on est deux.

C'est censé être rassurant ?

Je n'en sais rien, mais c'est déjà ça.

Tous deux se turent alors que la jeune femme ne cessait de regarder par la fenêtre. Elle n'avait jamais effectué ce chemin, pourtant elle le connaissait. Tout le monde habitant à Purushartha le connaissait. Les habitations miteuses se succédaient pour laisser place à de vieux manoirs luxueux, les artisans devenaient de moins en moins nombreux au profit des nobles qui ne cessaient de s'accumuler dans les rues. Cette route menait indubitablement au Temple. Theodosia et Egbert se lancèrent un regard effrayé tandis qu'ils se rendaient compte de ce que cela impliquait; ils n'avaient aucune idée de ce qui allait leur arriver mais être convoqués ainsi jusqu'au bâtiment le plus imposant, le plus important du pays n'indiquait absolument rien de bon. Lorsque le cocher s'arrêta enfin, ils sortirent, se retrouvant devant l'immense structure du Temple qui contrastait magnifiquement avec le reste du paysage si banal. La tour sculptée montait jusque dans le firmament où volaient des dizaines de dirigeables. Taillé uniquement dans la pierre, le Mandir semblait sortir d'un autre monde, beaucoup plus ancien, beaucoup plus religieux. Pourtant, il trônait là comme un avertissement envers tous ceux qui oseraient défier sa supériorité évidente; tous les enfants naissaient en apprenant que le Temple demeurait une citadelle imprenable et ineffacable dans le paysage de Purusharta. Rentrant pour la première fois dans le superbe bâtiment, les deux amis s'émerveillèrent devant les nombreuses sculptures, les nombreuses oeuvres qui ornaient chacun des murs d'une manière différente. Dans leur monde en beige, marron et noir, les couleurs iridescentes des parois les aveuglaient presque. Là, un inconnu à la peau légèrement basanée et aux habits pour le moins inhabituels les attendaient.

Sarasvati vous attends tous deux.

Theodosia n'eut pas le besoin de se tourner vers son compagnon pour savoir qu'il ressentait exactement la même chose qu'elle: une frayeur immuable qui leur caressa le dos d'un frisson glacial. Cependant, ils ne pouvaient pas reculer. Fuir signifait l'exil. Fuir signifiait la mort. Sarasvati attendait, assise sur un simple fauteuil rougeâtre, parée d'un sari blanc. Bien que peu ornée de bijoux, la Déesse irradiait la pièce de sa beauté surnaturelle. Egbert, en même temps que son amie d'enfance, s'inclina devant celle qui les avaient convoqués. Le bras de la jeune femme tremblait erratiquement, bien qu'elle tentait de dissiper ce mouvement révélateur de son angoisse. Néanmoins, Sarasvati émit un léger sourire tout en leur indiquant de se relever.

Savez-vous pourquoi je vous ai tous deux convoqués en ce jour, Theodosia Elvira Wickham, Egbert Graham Lawrence ?

Hochement de tête négatif. Ils n'en avaient aucune idée. C'était bien là la cause de leur appréhension croissante.

Vous avez été choisis pour votre sérieux, votre connaissance aiguisée de l'Art et vos capacités dans vos domaines respectifs. Ainsi, vous allez pouvoir suivre la route des Trois Joyaux dans le but d'atteindre le Moksha. Comme vous le savez, rares sont les Élus pouvant entreprendre cette voie ardue et parsemée tant d'échecs que d'embûches. Vous avez cependant le choix de continuer votre vie, Theodosia en tant que mécanicienne et pirate sur le Varuna et vous, Egbert en tant qu'ingénieur de première classe. La décision n'appartient qu'à vous, sachez cependant qu'elle demeurera immuable.

Theodosia et Egbert ne mirent pas longtemps à réfléchir: une vie de misère à travailler sur un zeppelin puis un autre jusqu'à la fin des temps. Ou le Repos des Rois après un voyage certes périlleux, certes pouvant se révéler fatal mais les menant aux confins de l'Univers jusqu'à se connaître soi-même. Theodosia et Egbert ne mirent pas longtemps à s'incliner de nouveau face à la Déesse qui souriait de nouveau devant ses nouveaux prétendants.

19 octobre 2015

LXIX. Il est déjà l'heure.

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Défi; écrire sur le thème "Il est déjà l'heure."

Il est déjà l'heure. Azraël attends dans son lit aux draps impeccablement blancs. Son regard est dirigé sur la fenêtre; la nuit est tombée depuis bien longtemps déjà. Il lui est impossible de dormir, pas maintenant. Bientôt, elle pourra car il est déjà l'heure. Bientôt, elle pourra enfin fermer les yeux. Elle ne ressent plus rien. Ni la peur ni l'appréhension ni la colère. Elle aperçoit seulement cette nuit noire, sans étoiles et se sent en paix, sans véritablement savoir pourquoi. La morphine annihile toute douleur si bien qu'elle a déjà l'impression de flotter dans les airs. Un léger sourire esquisse ses lèvres alors qu'elle observe le dernier quartier de lune du mois; la lumière chaleureuse de l'astre lui parvient à peine mais elle l'admire avec une sérénité non dissimulée. Azraël n'a pas besoin de poser ses yeux sur l'horloge pour savoir qu'il est déjà l'heure. Le temps s'égrene au ralenti et même le bruit régulier de l'aiguille des minutes semble s'arrêter. Fermant lentement les yeux, elle respire profondément l'air pollué de mort et de médicaments. Dans ce silence presque oppressant, elle parvient à entendre le bruit du vent qui souffle à l'extérieur. C'est l'hiver. Pourtant, le ciel demeure totalement dégagé, libres de tout nuages. Les étoiles se voient parfaitement, réconfortant Azraël. La beauté simpliste du firmament la réconforte. Il est déjà l'heure et elle entends que l'on frappe à sa porte. Deux coups polis, empreints d'une aménité qu'elle n'aurait guère suspecté. Cependant, elle n'a rien besoin de dire que l'on rentre discrètement dans la chambre. La jeune femme tourne la tête vers son invitée, apercevant l'horloge juste derrière son corps fantomatique. Le temps s'est arrêté et il est déjà l'heure, à la seconde exacte et Azraël ne peut s'empêcher d'en être ravie. Devant elle, la femme recouverte de blanc lui semble d'une beauté inhumaine; de ses longs cheveux blonds à ses yeux océan que le teint pâle rend plus purs encore, elle est digne d'une peinture de la Renaissance. Un léger sourire s'esquisse sur le visage des deux personnes; toutes deux savent qu'il est déjà l'heure et qu'il ne faut plus tarder. L'invitée s'approche dans un curieux bruit et Azraël aperçoit dans sa main de jeunes fleurs ravissantes. La femme semble lui demander si elle est désormais prête à partir. Oui, elle l'est. Il est déjà heure. Elle y est préparée depuis longtemps. Après l'avoir touché de ses doigts fins, la Mort disparaît dans l'accalmie nocturne de l'hôpital, laissant Azraël dormir pour l'éternité alors que l'horloge se remet à marcher comme si de rien n'était.

16 octobre 2015

LXVIII. Utopie.

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Défi: créer son univers utopique, en décrire le fonctionnement.

Nuit noire tombée sur Sélènestiane, les lunes, elles, ornaient déjà le ciel obscur de leur brillance quasi-parfaite. Il semblait que l'on pouvait y voir comme en plein jour; tel était le cas dès lors que les deux astres célestes convergaient dans le firmament. Nila aimait se promener dans la capitale lorsque la nuit double, ainsi était-elle nommée, dominait. Impossible de distinguer une seule étoile tant la lumière rayonnait et inondait le ciel. Toutes les constellations s'effaçaient sous la suprématie des lunes, telles des valets soumis à l'autorité royale. L'hiver apparaissait, accompagné de ses plus fidèles alliés, le froid, le vent, la neige. Tous les habitants appréciaient cette saison bien davantage que toutes les autres. Le froid n'était qu'une meilleure raison de rester chez soi entre amis, le vent glacial favorisait les rapprochements et la neige demeurait seule Déesse de Sélènestiane. Elle tombait régulièrement, recouvrant les rares routes de la ville, recouvrant les corps mouvants, recouvrant la moindre parcelle des toits des habitations. Le temps semblait infiniment figé. Les jours passaient, se ressemblant tant que cela paraissait être une histoire sans fin. Le temps semblait infiniment figé. Souffleurs de verre, tailleurs de pierre, herboristes, mineurs. Les grandes villes, elles, ne possédaient plus ces boutiques depuis bien des décennies; c'était d'ailleurs la raison pour laquelle beaucoup de jeunes personnes quittaient Sélènestiane, pour mieux revenir en vieillissant. Le temps semblait infiniment figé. Tout paraissait trop beau, sous cette neige si pure, sous cette nature sauvage. Il n'y avait ni guerres, ni religion, ni hiérarchie. Les gens vivaient. A leur rythme. Selon leurs goûts, selon leurs lois, devant uniquement respecter les autres et ne jamais porter préjudice à qui que ce soit. Il demeurait compliqué de le concevoir, pour les gens de la capitale. Tout était si codé, si dicté, si préservé que les libertés individuelles s'en trouvaient presque menacées. Sélènestiane, paradis sur terre, village perdu au milieu d'une immense forêt smaragdine, vénérant la nature plus que n'importe quel autre soi disant Dieu. La religion, possédait certes le pouvoir de rallier les coeurs mais aussi cette curieuse capacité de diviser. Parfois, les valeurs simples demeuraient bien plus attrayantes que n'importe quel être omnipotent, omniscient.

13 octobre 2015

LXVII. Acte créateur.

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Défi: rendre un crime beau. (NDA: texte pouvant être dérangeant et portant sur la mort. Avertissement à ceux qui ne désirent pas le lire.)

Tamiel sculptait de ses yeux l'enveloppe de chair sans vie en face de lui. Elle était belle. Si belle. Lilia. Ses longs cheveux blonds. Ses beaux yeux océan. Son corps aux courbes dessinées du bout des doigts. La fraîcheur de sa peau de jeune fille. Le poison coulant encore dans ses douces veines. Qu'il était exquis pour le meurtrier de se remémorer cette scène délectable, digne d'une tragédie shakespearienne. Une coupe de champagne. Juste un peu de strychnine. Juste de quoi laisser dormir sa belle pour l'éternité. Tamiel idôlatrait les poisons, ceux qui ne laissaient aucune trace, ceux qui ne défiguraient pas ses oeuvres d'art. Lilia paraissait encore endormie, à la différence seule que sa cage thoracique ne se soulevait désormais plus. Il fallait dorénavant être précis, distiller ces coups de pinceaux tendrement pour ne pas abîmer la sublime peinture qu'elle représentait. L'esthète orna ses mains souillées dans des gants en latex qui, certes n'étaient pas élégants, possédant toutefois le seul mérite de ne rien détérioer. La procédure était fastidieuse or le sourire carnassier de l'artiste ne témoignait nulle impatience. Au contraire, la thanatopraxie définitive possédait quelque chose de définitivement excitant. Lilia allait devenir belle pour l'éternité, sa beauté jamais ne se fânerait, traversant les siècles et l'éternité voire davantage encore. Tamiel lui offrait là son passeport pour un paradis qui n'existait pas et n'existerait jamais. L'aiguille traversa les veines de sa douce, injectant formol et sulfate de zinc dans son corps. Jamais elle ne se ternirait. Même les plus ravissants tableaux, même les plus sublimes des oeuvres d'art perdaient un jour de leur superbe; les couleurs s'abimaient, les années les rendaient fades, tant mornes que mortes. Or Lilia ne souffrirait point de cela. Elle demeurerait splendide comme à l'apparition du printemps. Deux dernières injections, de glycérine et de paraffine cette fois, achèverait de la conserver pour toujours. Son visage de poupée resterait éternel tel une sculpture de Michel-Ange. Tamiel se mit à la tâche de compléter le tableau de nombreuses couleurs; il lui fallait en effet couvrir ce corps, certes parfait, d'une peinture adéquate. L'esthète ne fut pas long à choisir une des tenues réservées pour ses nombreuses et futures victimes de son art. Une robe victorienne rubis du plus bel effet, accentuant la pâleur des traits de Lilia. Il manquait encore quelque chose, quelques détails qui rendraient l'oeuvre absolument divine. Tamiel accrocha deux rubans aux cheveux blonds du magnifique cadavre, sublimant au passage des lèvres d'une couleur aussi rouge que l'habit qu'elle portait. L'artiste était amplement satisfait, le tableau était somptueux et formellement à la honneur de ce qu'il espérait quand il l'avait aperçue la première fois. Des semaines que l'espoir de posséder Lilia dans sa collection le hantait. Désormais, elle était bien là. Après l'avoir contemplée pour se persuader qu'il n'avait pas oublié la moindre touche de peinture, Tamiel l'emmena vers son nouvel habitat: un majestueux cercueil doublé de plomb et recouvert de verre afin de pouvoir toujours l'observer. Lilia resplendissait, les traits détendus par la mort, dans sa robe de soie. L'artiste décida de la placer entre deux autres oeuvres plus anciennes. S'éloignant pour contempler les tableaux un par un, Tamiel frissonna d'émoi en contemplant ces jeunes femmes sans vie, belles pour l'éternité, belles jusque dans la mort.

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12 octobre 2015

LXVI. Ma douce amie.

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Règle; personnifier un sentiment humain tout en évoquant la dépression.

Bronagh se leva. Comme tous les matins, l'alarme l'avait éveillée et une fois éteinte, ne restait qu'un tic-tac régulier d'une horloge murale. Jetant un oeil à la fenêtre, la jeune femme savait que ce paysage si beau ne lui évoquait plus rien, plus aucun sentiment. Uniquement le vide dans son esprit. L'automate sans vie marchait dans l'appartement, traînant ce corps las, éreinté jusqu'à la cuisine. Elle n'avait même pas la force d'avaler quoi que ce soit aussi préféra-t-elle s'asseoir. Ainsi. A ne rien faire. La solitude venait frapper à la porte comme tous les jours et Bronagh lui tendait les bras, seul mouvement qu'elle parvenait encore à effectuer tant son esprit  autant que son corps demeuraient fatigués. Elle ne faisait plus rien de ses journées, elle ne parvenait plus à trouver le courage de réaliser quoi que ce soit. Le poids sur ses épaules ne cessait jamais de s'accroître, montrant qu'il était bien là où qu'elle aille. Aucune échappatoire. Elle prit son téléphone. "Aucun nouveau message." Elle aurait dû en être affligée. Elle ne l'était pas. Elle ne ressentait plus rien. Elle voulait simplement oublier, s'échapper. Rien ne lui permettait cela. Rien dans sa vie ne pouvait annihiler ces sentiments toxiques. Rien n'avait le pouvoir d'achever la douleur muette mais prégnante. Alors, elle laissait sa douce amie la solitude occuper une place trop longtemps vacante, celle d'une confidente, d'une connaissance aimante, parfois envahissante, presque surprotectrice. Le vide était comblé par une autre sorte de vide. Les journées passaient au ralenti, l'horloge semblant décélérer pour se moquer de Bronagh et de son piètre état. Elle attendait. Quoi ? Elle n'en savait rien. Elle ne sortait plus. Elle ne mangeait plus. Elle ne vivait plus. Respirait uniquement grâce à un mouvement mécanique chronique. La solitude, dans sa cape grisâtre élimée, observait avec dépit l'enveloppe de chair qui ressemblait avec peine à un être vivant. Cela faisait des semaines qu'elle tenait compagnie à ce qui ressemblait vaguement à une jeune femme mais cela ne semblait pas la perturber davantage que cela. La solitude avait pour vertu de ne jamais poser de questions, restant muette et impassible tant aux pleurs qu'à la douleur glaciale. Bronagh le savait, c'était la seule raison pour laquelle elle appréciait tant sa compagnie silencieuse. La solitude ne demandait aucune explication, aucune raison à sa mélancolie. Elle l'acceptait toute entière, avec ses défauts, ses pleurs, ses cicatrices sur les omoplates, ses pensées funestes. Bronagh décida d'aller se recoucher, espérant secrètement que Morphée daignerait enfin lui rendre visite. La solitude s'infiltra avec elle sous les draps, l'enveloppant de sa détestable et délectable omniprésence quotidienne.

7 octobre 2015

LXIV. Trois époques, second du nom.

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XXIè siècle; Hélène. Lieu; Londres, pub Mayflower.

Hélène ouvrit la porte du pub dans lequel elle avait ses habitudes. Avisant sa table sur la gauche, elle s'assit sans même ouvrir la bouche. Le serveur vint prendre sa commande alors qu'il savait pertinemment qu'elle prendrait la même chose que les autres jours; une pinte de Mayflower Scurvy. Il ne s'approchait d'elle que pour l'examiner de plus près, voir ses yeux noisettes scruter le monde de dehors d'une manière à la fois curieuse et antipathique, analyser ses gestes délicats, parfois imprécis, contempler la douceur de ses traits. Lorsqu'elle passait la porte du pub, Hélène lâchait un long souffle soulagé qui en disait long sur sa vie à l'extérieur, comme si elle respirait enfin après avoir traversé un long périple sous-marin. En réalité, elle demeurait toujours en apnée. Autrement dit, elle n'était pas heureuse. Rien ne lui convenait. Pas même sa famille. Pas même ses amis. Pas même son travail. Il lui manquait quelque chose et elle ne parvenait pas à distinguer quoi. Elle n'était pas malheureuse non plus. Après tout, sa vie pouvait paraître exaltante: elle adorait son métier d'écrivain qui lui permettait de vivre d'une excellente manière. Elle était également très bien entourée et n'était pas non plus délaissée par la gente masculine. Pourtant, cela ne lui suffisait pas. Elle ne parvenait pas à mettre le doigt sur ce qui clochait sur elle. Elle aurait dû se sentir satisfaite, complète. La bière arriva sur sa table et elle émit un léger sourire mélancolique au serveur avant de se désintéresser de lui, décidant qu'il était bien plus intéressant d'observer ce qui se passait derrière la fenêtre. En rencontrant son reflet, la jeune femme pensait. Parfois, quand elle se voyait dans le miroir, Hélène avait la curieuse sensation d'y rencontrer une parfaite inconnue, la curieuse sensation que derrière la glace se dissimulait quelqu'un qui imitait le moindre de ses battements de cil. Qui était-elle cette femme en face d'elle ? Que voulait-elle ? Qu'est-ce qui agitait cette enveloppe de chair ? Elle n'en avait pas la moindre idée et c'était bien là que résidait le fondement de ses tourments. Se délectant de sa bière, elle profitait de l'ambiance si particulière du bar à une heure où les clients n'affluaient pas encore. Son simple plaisir était de détailler le bar boisé, les fleurs encore fraîches, le parquet vieillissant, les lanternes à la lumière chancelante. Elle voulait oublier. Juste oublier. Respirer correctement. Ne pas se rappeler du fait qu'elle n'avait aucune idée de qui elle était, qu'elle n'avait aucune idée de ce qu'elle voulait, qu'elle n'avait aucune idée de ce qui l'animait. Ni rêve. Ni espoir. Elle était vide. Juste oublier. Profiter du regard flamboyant du serveur sur elle, profiter de lui alors qu'elle n'y voyait aucun intérêt.

3 octobre 2015

LXIII. Trois époques, premier du nom.

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Défi d'imagination: rédiger trois récits différents sur trois personnages différents (ayant des points communs) sur trois époques, trois contextes eux aussi différents.

XXè siècle; Ailen. Lieu; Paris, Crazy Horse.

Ailen se regardait dans le miroir tout en se maquillant. Il était toujours fascinant de constater sa transformation. De la fille banale, invisible, elle devenait la femme fatale attirant tous les regards. Le crayon noir accentuait ses yeux profonds, le rouge à lèvres réhaussait ses lèvres charnues, les faux cils lui donnait un air de baby doll que les hommes s'arrachaient. En se regardant dans ce miroir, elle ne voyait plus qu'une inconnue. Elle ne se reconnaissait pas; il le fallait. Si elle s'était reconnue, elle aurait eu honte de monter sur scène, de se montrer ainsi. Si provocante. Si sensuelle. Quand elle arrivait sur scène, elle oubliait sa piètre vie, elle oubliait ses tourments, elle oubliait le fait qu'elle ne savait pas vraiment qui elle était ni ce qu'elle désirait. Elle ne pensait plus à sa famille. Elle délaissait totalement ses problèmes. Elle dansait. Elle laissait aller son corps. Son esprit semblait absent tandis que ses hanches ondulaient sur le rythme d'une musique sensuelle. Tout son corps était envahi par la seule envie de voir le regard flamboyant des hommes sur elle. Le collier de perles soulignaient ses seins tout autant que son port de tête digne d'une reine. Reine en déclin. Elle se sentait incroyablement libre. Son esprit délaissait tous ses tourments, toutes ses pensées. Sa danse la maîtrisait, la transcendait, la transformait en véritable déesse de l'amour et de la séduction. Ses fesses, ses bras, ses jambes se mouvaient en parfaite harmonie. Elle se fichait totalement de l'image de la femme qu'elle renvoyait. Ailen aimait plus que tout voir tous ces yeux, tous ces regards sur elle. Elle les voyaient, ces hommes déchus, ces gamins de bas étage. Dans la foule opaque, elle parvenait à distinguer quelques habitués à qui elle adressait des gestes pour le moins évocateurs. Faisant monter le désir en eux, leur faisant espérer qu'ils pourraient obtenir plus, bien plus que cette danse. Certains étaient mariés, étaient vieux, étaient puceaux, étaient dangereux. Elle n'en avait cure. Ils venaient pour elle. Pour son corps. Pour ses courbes superbement marquées. Pour son visage de pin-up. Pour son spectacle sensuel et érotique. Pour la délectation de ce show. Elle descendait, remontait la barre de strip-tease jouant, attirant tant les sifflements probateurs que l'excitation grandiloquente de certains. S'allongeant sur le sol, le contact froid contrastait avec sa peau brûlante tandis que les hommes l'approchaient de leurs mains avides de pouvoir toucher ce qui n'était désormais plus qu'un corps, qu'une entité érotique.

30 septembre 2015

LXII. Pépins.

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Règle: à la manière du prix de science-fiction le Pépin, écrire 2-3 fictions de 300 signes maximum.

01.

Le Gardien vit soudain deux nouvelles entités apparaître devant ses yeux éreintés. Comme tous les autres avant eux, ils ne repasseraient jamais les portes magnétiques. Obnubilés par la récompense pharaonique, ils en oubliaient que le prix demeurait leur propre vie.

02.

Le Siège avait cessé sa dictature. La Toile électronique fut découpée en lambeaux pour laisser apparaître le vrai ciel, le vrai paysage. Le désert de glace s'étalait devant les rescapés et c'est là qu'ils se rendirent compte qu'ils avaient peut-être eux-même anéanti leur seule chance de survie.

03.

La Céphéide avait fini par remplacer les humains par des corps sans vie. Ils n'étaient plus que des robots, sans besoin, sans désir, sans conscience. Ils étaient dorénavant pleinement dévoués à l'Empire de Nazden; ils pouvaient désormais asservir et conquérir tout le système planétaire.

04.

Alors même que la lune du solstice apparaissait dans le ciel, Kervan s'infiltrait dans les tréfonds du Dédale. Si la ville paraissait déserte, il lui paraissait tout aussi improbable que le réseau le soit. Un cri curieusement métallique derrière lui confirma ses intuitions.

05.

Un nouveau facteur était apparu. Elle. Elle déjouait tous ses plans. Il n'était pas préparé à ça. Les bugs, les robots, les codes étaient sa routine. Affronter une humaine ne l'était pas, ne l'était plus. L'androïde sans émotions fut fort dépourvu d'en tomber alors amoureux.

28 septembre 2015

LXI. Rimbaud en filigrane.

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Règle; choisir un extrait d'un ouvrage et insérer le plus de mot possible de cet extrait. Ici, H de Rimbaud, Illuminations.

H

Les monstruosités de la passion amoureuse qui la dévorait défiguraient ses traits à l'habituel somptueux. Violent devenait son regard lorsqu'elle percevait l'être aimé parler à quelque femme que ce soit. Ses gestes normalement si délicats, sa manière de sourire si douce se voyaient transformés en des gesticulations atroces, emprunts d'une profonde déshumanisation. Hortense devenait un objet de haine, un être empli de passion destructrice. Lorsqu'il n'était plus là, la solitude rongeait son coeur terni par les ténèbres d'un amour qui n'avait plus rien de pur, plus rien de délicat, plus rien d'innocent. Lorsqu'il n'était plus là, la mécanique de son coeur semblait s'arrêter définitivement comme une horloge hors d'usage dont les aiguilles ne tourneraient plus. Lorsqu'il était là, elle idôlatrait plus que tout le mener à bout. Lorsqu'il était là, qu'elle ne l'avait que pour elle toute seule, elle ne pouvait que faire preuve d'une séduction érotique. Ses yeux dévoilant les vices les plus osés, ses gestes devenant de plus en plus précis sur le corps de son aimé. Puisque alors qu'elle était sûr que le désir montait en lui, qu'il ne pouvait alors plus l'ignorer, qu'il n'était plus en mesure de penser à quoi que ce soit d'autre, elle feignait la lassitude, l'inappétence. Elle s'amusait de lui comme un animal s'amusait de sa proie avant de la dévorer vivante et bien fraîche. Hortense et Arsène formait une dynamique amoureuse qui laissait perplexe. Lui restait alors qu'elle demeurait de plus en plus instable. La flamme ardente de ses yeux ne laissait aucun doute; jamais elle ne lui permettrait de partir loin d'elle. Qu'importe la moralité ou les lois de ce monde, elle était prête à affronter Cerbère et le Styx, à sombrer dans le plus profond des enfers si cela signifiait demeurer à ses côtés pour l'éternité. L'être tout entier d'Hortense brûlait de passion pour Arsène. Elle la dévorait, corps et âme, lui infligeant des frissons à la simple évocation du prénom de son aimé. Les amours novices ne peuvent connaître cette frénésie insatiable. Non, ces amours éphémères et indigestes ne pouvaient être comparées à son amour mortel pour Arsène...

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