XCII. Absurde
Défi; écrire une conversation absurde, n'ayant aucun sens normalement (s'inspirant d'expressions prises au pied de la lettre) mais pourtant tout à fait banale et compréhensible pour les protagonistes.
Victorine observait Atlas tandis qu'Atlas dévorait Victorine des yeux.
▬ Il semble que tu tombes de Charybde en Scylla très cher.
▬ Charybde n'est pas aussi joueuse que la belle rousse, à mon plus grand regret.
▬ Elles se jouent surtout de toi si tu veux mon avis. Tu les connais pourtant, elles aiment se battre pour un morceau de viande juteux.
▬ Et toi alors ?
▬ Moi quoi ?
▬ A peine sortie de la cuisse de Jupiter que tu t'en enfiles un autre.
▬ Jupiter ? Oh je t'en prie, pas lui.
▬ Luit la lumière coruscante du soleil.
▬ Jupiter vaut mieux que Charybde et Scylla réunies.
▬ J'ai été pris dans l'ouragan du désir.
▬ Pourtant il fait beau, il n'y a presque pas de vent.
▬ Contrairement à celui que tu m'as mis il y a de cela des années.
▬ Ne m'en blâme pas, enfin, nous étions si jeunes, si innocents.
▬ Cent éléphants sont passés dans le firmament étoilé hier. C'était beau à voir, cette parade nocturne.
▬ Que va-tu faire ?
▬ S'ils repassent, je les observerais via le télescope en espérant pouvoir les prendre en photo.
▬ Où les mettrais-tu ? Cent éléphants prendraient bien trop de place dans ton appartement. Même Scylla est moins grosse que tous ces pachydermes.
▬ Séduire Scylla a été un vrai œuf de Colomb.
▬ En effet, des poules prendraient beaucoup de moins place que des éléphants tu as raison. D'ailleurs, cela aussi beaucoup plus utile quand on y songe. Les éléphants ne produisent pas grand chose si ? A part de la saleté, j'entends.
▬ L'être humain est fascinant, certains peuvent entendre les couleurs, toi tu entends des choses aussi impalpables que la saleté. Te susurre-t-elle à l'oreille lorsque tu tentes de rejoindre Morphée ?
▬ Après Jupiter, tu t'attaques désormais à lui ? Quel lâche fais-tu !
▬ J'ai Charybde et Scylla, tu as Jupiter et Morphée. Je suis prêt à parier que nos histoires finiront toutes mal, elles finissent toujours mal. C'est pour cela que nous nous retrouvons sans cesse dans ce petit café; nous narrer nos déboires amoureux éternels et terribles.
▬ Cesse de jouer les Cassandre Atlas.
▬ J'aime pourtant lui voler ses vêtements, danser dans ses robes, me maquiller de la même manière qu'elle. C'est étrange de ressembler à une femme lorsqu'on n'en possède absolument aucun attribut.
▬ Tu vas me faire pleurer. Tu es bien plus heureux en homme, tu peux ainsi te sacrifier à Vénus sans que personne ne te dise quoi que ce soit. En étant une femme, c'est bien plus compliqué.
▬ Oh que j'aime me sacrifier à Vénus, si tu savais. D'ailleurs le miel de sa peau me manque terriblement.
▬ Sa maladie n'est toujours pas guérie ? De toute façon, ce n'est pas comme si c'était très grave. Elle suintait du miel et alors ? Tout le monde s'est révélé jalouse de sa peau de lait.
▬ Entre le lait et le miel, cela créait un curieux mélange crois-moi. Elle a bien fait d'être hospitalisée. Et quand elle va sortir, crois-moi que je serais tenté par Venise, Vénus était quand même légèrement dérangée.
▬ Venise est ta prochaine conquête ? Tu as bien du courage. De ce que j'ai entendu dire, elle est au moins aussi perturbée que la Vénus. En plus, il paraît qu'elle a de sacrés fétichismes.
▬ Sinon, tu travailles toujours pour le Roi de Prusse ?
▬ A mon grand regret, oui. Il me prend pour sa servante et il ne cesse de s'attacher à moi.
▬ Et tu parlais des fétichismes de Venise ? Ton bon Roi n'as pas vraiment l'air mieux s'il en vient à t'attacher à lui.
▬ Il a peur que je puisse m'enfuir. Où, je ne sais pas. Il est fier comme Artaban de m'avoir, si tu le voyais.
▬ Comment va-t-il d'ailleurs ?
▬ Six pieds sous terre.
▬ Aussi loin, personne n'ira le chercher. On est sûrs que sa bêtise ne perdura pas au moins, c'est déjà ça de gagner. Au fait, je vais à Tataouine le mois prochain.
▬ Cela ne pourra que te faire du bien. Il fera sûrement un peu chaud pour la saison mais ça te remettra les idées en place.
▬ Mes idées sont déjà assez compartimentées comme ça. Ma tête n'est pas un labyrinthe comme toi. Tout à droite, les idées phobiques, en descendant, les idées malsaines, encore après ...
▬ J'ai compris Atlas. Ce n'est pas tout ça mais je dois y aller.
▬ Tu embrasses Fanny pour moi ?
▬ Va te faire voir chez les Grecs.
▬ Il n'en a pas à Tataouine mais je t'enverrais une carte quand même.