Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
The darker the night, the brigter the stars.
23 novembre 2015

LXXXVI. Métamorphose.

Sans titre 1

Défi; narrer le récit d'une métamorphose (ses débuts, son parcours, pourquoi elle se produit), qu'elle soit physique ou mentale.

01.

« Aucune chose, aucun moi, aucune forme, aucun motif n'est assuré ; tout est emporté dans une métamorphose invisible, mais jamais en repos. »

02.

La voiture émit un léger son puis s'arrêta au bout de quelques mètres. Son occupante ne broncha pas ni n'esquissa aucune émotion, sortant simplement de la voiture pour ouvrir le capot. Ce ne fut que quelques secondes après qu'elle aperçut un homme ou plutôt, au vu de sa monture, un cavalier. Un courant électrique traversa le corps de Danae alors que ses iris azurées croisèrent les yeux d'un noir si profond qu'elle crut s'y perdre. Il y eut un long moment de silence tandis que la jeune femme blonde et l'inconnu s'observèrent, le monde semblant s'être arrêté autour d'eux, même le vent avait soudainement cessé de souffler. Ce fut lui qui interrompit ce moment privilégié en tendant sa main à Danae qui comprit qu'il lui offrait son aide, sans qu'il n'ait besoin d'exprimer quoi que ce soit. Elle s'agrippa aux hanches de l'inconnu, se serrant contre lui par réflexe. Elle laissa là la vieille voiture qui ne redémarrerait sûrement jamais. La jeune femme demeurait davantage intriguée par celui qui offrait son aide que par ce qui adviendrait de cette carcasse métallique.

Qui êtes-vous ?

Sa curiosité ne pouvait décemment en supporter davantage. Après tout, il l'emmenait au loin. Certes il ne semblait pas dangereux quoique sa beauté surnaturelle le rendait sûrement intimidant. Il n'en sembla guère perturbé et tourna la tête pour l'observer. Son profil était parfait, tel qu'on l'aurait imaginé sculpté sur une pièce de monnaie. Elle le vit esquisser un sourire, ses yeux emplis d'obscurité semblèrent s'animer d'une lumière étrange le temps d'un instant. Danae nota qu'il paraissait hésitant. Elle lui lança un regard courroucé, annonçant par la même qu'elle n'accepterait pas un avilissant mensonge; elle désirait la vérité, aussi effrayante puisse-t-elle être.

Je suis le Roi Baldrik.

Un ... Roi ? Ici ... En Californie ?

Vous allez vite comprendre.

Cela ne fit que renforcer l'intrigue de la jeune femme; il ne mentait pas. Il était amusé, lui souriant d'une manière un peu trop séductrice et son beau regard l'envoûtait mais il ne mentait pas. Danae avait lu suffisamment de romans et vu suffisamment de films pour savoir que le monde n'était pas tel qu'on le dépeignait. Or, elle n'en demanda pas davantage, s'agrippant à lui pour le reste du voyage, s'occupant à l'observer sous toutes les coutures. Les traits fins étaient presque androgynes, la barbe, elle, parfaitement taillée était à l'inverse des cheveux tout aussi noirs certes mais débroussaillés et mi-longs. Tout le charisme de cet homme résidait en ces contradictions élégantes; la pâleur de sa peau se renforçait par les touches obscures qui parsemaient tant son visage que sa parure. Quelques cicatrices déformaient élégamment ses traits, notamment celle qui soulignait sa bouche ourlée. Sous ses doigts agiles, Danae sentait des muscles saillants et sûrement parfaitement sculptés. Sans même s'en rendre compte, ils étaient désormais devant une gigantesque montagne dont la jeune femme semblait totalement ignorer l'existence. Baldrik s'engouffra dans une brèche à peine plus épaisse que le cheval à la robe blanche somptueuse. A peine entrèrent-ils que Danae comprit de quoi l'inconnu s'était prétendu Roi: de ce royaume fabuleux qui s'étalait devant ses yeux.

03.

Les yeux grands ouverts de Danae observait chaque recoin de la curieuse cité creusée à l'intérieur de la grotte. La plupart des constructions étaient faites de pierre, pourtant, leur construction paraissait inhumaine tant elle apparaissait irréprochable et superbe. Les gens qu'elle croisa la saluèrent en même temps que le Roi qui la tenait par la hanche depuis qu'ils avaient posés le pied à terre. Ce contact chaud la rassérénait; la poigne sur elle se voulait puissante sans aucun désir de possession. Le royaume semblait quelque peu archaïque et elle en devinait qu'à part quelqu'un pour diriger, les lois se voulaient pour le moins libres. Baldrik l'emmena jusqu'à la plus imposante des constructions: le palais. Danae ne put s'empêcher de s'arrêter devant ce qui ressemblait davantage à une cathédrale des temps anciens qu'à une forteresse. De superbes sculptures ornaient les murs extérieurs et la porte gigantesque était elle-même sertie de pierres précieuses dont la lumière irradiait la grotte de mille et un éclats iridescents. Le Roi la fit rentrer, la laissant observer à sa guise, suspendait tantôt sa marche hâtive pour la voir s'émerveiller de ce qui était son sinistre quotidien. Après tant d'émotions, il lui montra ses quartiers où elle put se reposer. Sa chambre était à l'image du royaume entier: d'une beauté suréelle. S'allongeant dans le lit douillet, elle eut quelques minutes de repis durant lesquelles elle tenta de trouver une explication à ce qui se tramait dans cet étrange lieu. Jamais elle n'aurait cru que ses littératures fantastiques pouvaient révéler un fragment de vérité. A peine eut-elle le temps d'y penser qu'on frappa à sa porte. Apparu alors Baldrik, une fascinante boîte à bijoux dans ses mains; il s'assit à côté d'elle et lui prit la main. Danae frissonna au contact de sa main frigorifiée avec celle étrangement chaleureuse du Roi.

Je voulais vous offrir ce présent.

Pourquoi donc ?

Pour m'avoir fait confiance. Vous avez l'air différente, vous n'avez pas eu l'air effrayé en me voyant et j'en suis reconnaissant.

Je n'ai aucune raison d'avoir peur...

Il lui offrit un sourire tout aussi ardent que sa poigne et glissa à son index une bague sertie d'une éméraude magnifique. Elle tenta de prononcer quelques mots qui se transformèrent en balbutiements; Baldrik lui fit comprendre qu'il voulait qu'elle la garde. Il embrassa le doigt paré du bijou et lança un regard qui foudroya Danae sur place.

04.

Cela faisait quelques jours désormais que la jeune femme s'était fait une place dans le royaume souterrain. Elle explorait le château avec une curiosité  toujours plus grandissante. Les tableaux, les sculptures, les ouvrages. Tout n'était qu'une nouvelle attache de laquelle elle ne voulait pas se séparer. Le Roi l'accompagnait parfois, alimentant secrètement son désir de rester. Son regard obscur ne cessait de l'hypnotiser chaque fois un peu plus. Pourtant, plus elle demeurait dans la forteresse, plus quelque chose alimentait son imagination; il n'y avait aucun miroir. Pas un seul objet réfléchissant ne se trouvait que ce soit dans l'immense bâtiment ou dans la cité intérieure. Danae repensait à ces mythes de vampire, pourtant son intuition lui soufflait qu'elle se méprenait. Faisant danser la bague autour de son index, celle-ci semblait désormais faire partie intégrante de son corps. Baldrik la rejoignant, il lui visiter une nouvelle aile du château mais la question brûlait les lèvres de la jeune fille. Elle s'arrêta devant une toile dépeignant le Roi et planta son regard océan dans le vide avant de rencontrer les iris ténébreux de l'homme à côté d'elle.

Pourquoi n'y-a-t-il aucun miroir ici ?

Baldrik ne sembla pas étonné de la question. Au contraire, il s'avança de quelques pas, comblant ainsi le vide entre lui et son interlocutrice. Sa main caressa avec aménité la joue de la jeune femme et encore une fois, ce contact réchauffa son coeur et son corps. Il l'observa avec tendresse, approchant son visage d'elle.

Es-tu sûre que tu veux la réponse à cette question ?

Oui.

Alors suis-moi.

Il attrapa ses mains et la guida jusque dans la salle du trône. Ils la traversèrent promptement, sans véritablement s'y arrêter et un couloir s'ouvrit devant eux. Danae commençait à se demander si elle n'avait pas voir quelque chose qu'elle ne souhaitait pas mais en son âme et conscience, elle savait que Baldrik ne la laisserait pas s'échapper. La pression de sa poigne était comme d'habitude à la fois tendre et puissante. Il était trop tard pour reculer désormais. Il la planta devant une porte qui menait à la chambre de Baldrik; elle l'ouvrit sans l'ombre d'un remord. L'intérieur était parfaitement organisé, gigantesque et surtout, une immense psyché trônait d'un côté de la pièce. Or le miroir était recouvert d'un immense drap bordeaux. Le Roi le retira et ce qu'aperçut Danae était au-delà de ce qu'elle aurait pu imaginer.

05.

Si d'extérieur elle était toujours la jolie femme blonde aux yeux bleus envoûtants, à la banalité affligeante, le reflet en était tout autre. Ses longs cheveux s'étaient teints en noir corbeau, ses prunelles brillaient d'un éclat smaragdin et son visage se révélait diaphane. Sur le côté gauche de son corps, on pouvait apercevoir que la peau commençait à disparaître et certains de ses organes, eux, apparaissaient à l'air nu. Elle ne semblait plus véritablement humaine. Danae ne put s'empêcher de toucher la partie qui se désagrégeait en même temps qu'elle la voyait. Elle ne comprenait pas. Elle lança un regard inquiet à Baldrik qui se mit alors devant son reflet à son tour. La jeune femme écarquilla les yeux. Le magnifique Roi se révélait être totalement dépourvu de chair, on apercevait à l'oeil nu la plupart de ses organes, de ses muscles, de ses os. Le peu qui restait était décharné, anéanti. Lorsqu'il bougeait, le squelette se mouvait, répétant avec une précision mécanique le même geste.

Comment est-ce possible ?

Tu t'es métamorphosée. Depuis que tu es entrée, tu es devenue comme nous, comme moi... Une mort-vivante.

Danae ne cilla pas. Elle continuait d'observer son reflet, d'y chercher une faille. Pourtant la version efflanquée d'elle-même la mimait aisément. Or, elle n'en semblait pas plus choquée que cela. S'en doutait-elle auparavant ? L'avait-elle voulue ? Elle ne le savait guère.

Danae. Deviens ma reine.

Baldrik s'était agenouillé et tenait en ses mains une couronne aussi noire que sa chevelure. Elle n'était ornée d'aucun artifices, seulement sa structure paraissait osseuse. Danae ne put s'empêcher de se dire que c'était sûrement ce qu'elle verrait un jour dans le reflet du miroir; il n'y aurait plus rien pour recouvrir ses parties internes, il n'y aurait plus rien pour la rendre belle, elle ne serait plus qu'une carcasse vide. Elle posa également un genou au sol, baissant la tête avant de sentir le poids de la couronne sur son crâne. Danae jeta un dernier coup d'oeil à la psyché qui trônait encore découverte au beau milieu de la salle. La vision d'elle était apocalyptique mais cette transformation la fit sourire.

Publicité
Publicité
Commentaires
The darker the night, the brigter the stars.
  • Blog (quasi) journalier consacré à des exercices de style, d'imagination divers et variés. Merci de ne plagier/copier aucun texte sans autorisation au préalable sous réserve de la propriété intellectuelle. Ceci n'est pas un blog personnel. ©Alpheratz
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Newsletter
Archives
Publicité